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Réfléchir aux questions sur le sexe biologique et le genre chez les humains, à l'aune des observations sur nos cousins primates, chimpanzés ou bonobos: dans son dernier ouvrage, le célèbre primatologue Frans de Waal appelle à ne pas choisir entre nature et culture, à rebrousse-poils de combats souvent idéologiques.
"On considère (les grands singes) mûs avant tout par l'instinct et la biologie, mais on voit aussi chez eux une culture", explique le Néerlandais de 73 ans dans un entretien à l'AFP. Dans ce cadre, "le concept de genre est utile, car il met l'accent sur cette interaction entre biologie et culture", sans négliger la force de la biologie.
Cet éthologue (scientifique spécialisé dans le comportement des animaux) est notamment connu pour ses travaux démontrant que les primates non-humains --dont l'ADN est commun à celui de l'Homme à plus de 96%-- sont dotés eux aussi de capacités réputées humaines, telles que l'empathie et la coopération.
Dans "Différents, le genre vu par un primatologue", sorti en France cette semaine, le chercheur balaie plusieurs thèmes au cœur des débats qui agitent nos sociétés: les rapports entre les sexes, la hiérarchie sociale, la violence, l'inné ou l'acquis.
La biologie explique par exemple que "chez tous les primates, les jeunes mâles jouent avec les jeunes mâles, et les jeunes femelles avec les jeunes femelles". Et dans ces jeux, la force physique joue un rôle clé chez les premiers, largement absent chez les secondes, dit-il. Un constat observable dans les cours de récréation comme au centre national Yerkes de recherche sur les primates, que Franz de Waal dirige près d'Atlanta.
Autres conclusions nées de décennies d'observation des primates: les mâles sont "plus préoccupés par leur rang social" et les femelles "plus tournées vers les êtres jeunes et vulnérables" dès leur plus jeune âge.
Mais les femelles sont aussi volages que les mâles, elles se livrent elles aussi à une intense compétition sociale et assument, avec l'âge, une position d'autorité au sein du groupe. Loin des clichés sur une +nature+ soit-disant "féminine", rappelle le chercheur.
- Le plaisir, pas la reproduction -
Frans de Waal égratigne certains universitaires "qui utilisent la biologie quand ça les arrange". Quand par exemple, ils voient dans le comportement de l'homme ou de la femme en société "un rôle genré, uniquement lié à la culture, alors que la biologie joue également un rôle".
Il regrette surtout cette propension très humaine à "édicter des normes". "Chez les primates non humains, de nombreux individus qui ne se conforment pas au modèle dominant sont très bien tolérés" par leurs congénères.
Le chercheur, qui enseigne à la prestigieuse Emory University (Atlanta), défait également plusieurs mythes, dont celui de la passivité féminine dans les jeux d'accouplement. Et à ceux qui considèrent l'homosexualité comme "contre-nature", il rappelle les pratiques de macaques japonais qui en l'absence de femelles, optent pour des rapports entre mâles.
En matière de sexualité, humains et grands singes sont avant tout mûs par le désir et le plaisir, n'en déplaise aux réalisateurs de films animaliers prompts à dépeindre la compétition entre mâles comme motivée par la quête de reproduction, détaille le chercheur. Les primates ne peuvent pas "concevoir" la reproduction.
Les animaux "sont intéressés par le sexe, pas par la reproduction, même si elle en est le résultat". Les humains, qui ont mis un certain temps à comprendre la chose, ne sont pas si différents, eux qui ont inventé pour cela la contraception, relève-t-il.
Le livre regorge de récits, basés sur des observations, pour décrire tout ce qui unit les primates non humains et les humains, ou les différencie, comme l'avènement de la famille nucléaire chez l'humain ou le développement du language. Il se conclut par un plaidoyer à ne pas choisir entre nature et culture, mais à embrasser les deux pour permettre ainsi de mieux accepter nos différences.
("Différents. Le genre vu par un primatologue". Frans de Waal. Editions Les liens qui libèrent, 477 p.)
W.Matthews--TFWP