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"C’est le passeport de ma mère avec la signature d’Aristides de Sousa Mendes", s’émeut Cookie Fischer van den Bergh en découvrant le nouveau musée inauguré ce week-end à la mémoire du consul portugais de Bordeaux qui a sauvé des milliers de réfugiés des persécutions nazies.
"C’est très émouvant pour moi" car "ma mère ne m’a jamais rien raconté", confie à l'AFP cette femme de 70 ans, une professeure d’université à la retraite, qui a récemment découvert l'histoire de cette fuite.
Grâce au visa du consul portugais délivré en juin 1940, sa mère aujourd'hui défunte, a pu quitter les Pays-Bas, envahis par les Allemands, et se rendre à Porto, dans le nord du Portugal, à bord d'un bateau de pêche parti du sud de la France, puis plus tard aller aux Etats-Unis.
"C’est un homme exceptionnel !", s'enthousiasme de son côté Jean-Jacques Speyer, un ancien ingénieur belge de 76 ans, pendant qu'il essaie de retrouver parmi les milliers de noms de rescapés inscrits sur un mur à l’entrée du musée celui de son grand-père.
A l'instar des descendants de réfugiés et de la famille d'Aristides de Sousa Mendes, mort il y a 70 ans, des centaines de personnes ont rendu hommage vendredi à l’ancien consul, à l'occasion de l'inauguration du musée qui lui est consacré, installé dans son ancien manoir à Cabanas de Viriato, dans le centre du Portugal.
"Je suis vraiment reconnaissant" pour tout ce qu’il a fait, affirme avec fierté Antonio Sousa Mendes, 74 ans, l'un des petit-fils de l'ancien diplomate, qui se bat depuis longtemps pour réhabiliter la mémoire de son aïeul.
- "Un stylo et un tampon" -
Souvent comparé à l'industriel allemand Oskar Schindler, qui a sauvé des centaines de juifs de la déportation, M. Sousa Mendes a été reconnu en 1966 "juste parmi les nations" par le mémorial de la Shoah à Jérusalem, qui perpétue le souvenir du génocide du peuple juif pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Mais dans son pays, cette reconnaissance a été plus tardive. Après sa réintégration dans la carrière diplomatique à titre posthume à la fin des années 80 et l’hommage qui lui a été rendu au Panthéon en 2021, l’ouverture de ce musée est un pas supplémentaire pour perpétuer sa mémoire.
Lorsqu'il a pris conscience des persécutions nazies, il a cherché à lutter avec ses armes, "un stylo et un tampon", relève Antonio de Sousa Mendes, qui a à peine connu son grand-père.
Son geste lui a pourtant valu des déboires avec son gouvernement, dirigé par le dictateur Oliveira Salazar, qui interdisait aux consuls d'octroyer des visas aux "étrangers de nationalité indéfinie", aux "apatrides" ou aux "juifs", en raison de la neutralité du Portugal pendant le conflit.
Rappelé plusieurs fois à l’ordre, "cet homme catholique, très religieux", a préféré suivre sa conscience, malgré les conséquences sur sa carrière, explique l'historienne Margarida Magalhaes Ramalho, de l'Université Nova de Lisbonne.
- Devoir de transmission -
En juin 1940, avec l'avancée des troupes allemandes, le consul en poste à Bordeaux a devant lui de nombreuses familles désespérées avec "des enfants, des femmes enceintes, des personnes âgées, et lui, il peut les aider grâce à un tampon", alors "il met en place une véritable chaîne à délivrer des visas", afin de leur permettre, pour la plupart, de fuir vers l'Amérique, raconte l’historienne.
En à peine quelques jours, le consul délivra des visas à tous les réfugiés en ayant fait la demande, sans distinction de nationalité ou de religion, sauvant ainsi près de 30.000 personnes, dont près de la moitié étaient juifs, selon les estimations des historiens.
M. Sousa Mendes fut ensuite immédiatement rappelé à Lisbonne, puis destitué de ses fonctions. Tombé en disgrâce, ce père de 14 enfants a fini ses jours en 1954 dans la misère.
"Mon grand-père n’est plus là mais son message est resté", note son petit-fils, estimant avoir aujourd’hui un devoir de transmission.
Le secrétaire général de l'ONU, le Portugais Antonio Guterres, a salué l’exemple "de courage et de compassion" de M. Sousa Mendes, dans un message rendu public à l'occasion de l'ouverture du musée, appelant à suivre son exemple en luttant "contre les discriminations, l’intolérance et la haine".
G.Dominguez--TFWP