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L'Ukraine mise sur un recours massif aux drones pour compenser la pénurie d'obus d'artillerie et saper les capacités militaires russes. Mais s'ils sont devenus indispensables pour les deux belligérants, ils ne peuvent faire pencher la balance, estiment des experts.
Au-delà des drones ressemblant à de petits avions utilisés pour des frappes à des centaines de kilomètres, les petits engins, notamment ceux achetés dans le commerce, saturent le champ de bataille.
Ces drones FPV (First person view en anglais, soit "pilotage en immersion") permettent à leur pilote de voir les images du terrain en direct comme s'il était directement à bord. Ils servent aussi bien à repérer des unités ennemies ou, équipés d'une charge explosive, à les frapper directement dans un rayon de quelques kilomètres.
"En ce moment en Ukraine, on voit l'utilisation de drones à une échelle inimaginable, on parle vraiment de dizaines et de centaines de milliers de drones sur le champ de bataille", affirme à l'AFP Ulrike Franke, chercheuse au centre de réflexion European Council on Foreign Relations (ECFR).
Kiev a prévu de consacrer 1,15 milliard d'euros aux drones dans son budget 2024 et le président Volodymyr Zelensky, qui a créé en février une branche dédiée aux drones au sein des forces armées, a annoncé que le pays produirait "un million de drones" cette année.
Les soutiens de Kiev s'efforcent également d'abonder les stocks ukrainiens: Londres prévoit ainsi d'en livrer plus de 10.000, dont un millier de munitions téléopérées, Paris s'apprête de son côté à commander 2.000 drones kamikazes, en partie destinés à l'Ukraine.
Des responsables ukrainiens évoquent un besoin mensuel de 100.000 à 120.000 drones.
"L'Ukraine peut réduire ses besoins de munitions d'artillerie en augmentant de façon significative sa production de drones d'attaque", estiment les experts Michael Kofman et Franz-Stefan Gady dans la revue de I'International Institute for Strategic Studies (IISS).
D'autant que le pays peine à obtenir les 75.000 à 90.000 obus d'artillerie par mois simplement nécessaires pour conduire une guerre défensive, plus du double pour une offensive majeure, rappellent-ils.
Les drones sont "capables de reproduire de nombreuses fonctions de l'artillerie et des missiles pour une fraction seulement du prix", abonde Mykola Bielieskov, de l'Atlantic Council.
Un petit drone commercial coûte quelques centaines d'euros, contre plusieurs milliers pour un simple missile antichar, un obus d'artillerie ou une munition téléopérée.
- "Pas idéal" -
Selon une source militaire française, entre 65 et 85% des destructions de positions russes sont actuellement dues aux drones FPV ukrainiens.
"Ils utilisent des drones parce qu'ils peuvent les produire ou les acheter mais ce n'est pas idéal", met en garde Ulrike Franke.
Ces drones FPV n'ont qu'une faible capacité d'emport, quelques centaines de grammes d'explosifs et quelques kg pour les plus gros drones commerciaux.
"Même un grand nombre de petits drones ne peuvent égaler la puissance des tirs d'artillerie", note dans une étude du cercle de réflexion américain CNAS Stacie Pettyjohn, pour qui ils peuvent "compléter" mais "pas remplacer les canons".
Et moins d'un tiers des frappes atteindraient leur cible, rapportait en septembre le New York Times, ces drones étant très sensibles au brouillage et aux contre-mesures électroniques.
L'Ukraine ne peut plus compter sur la supériorité dans le domaine des drones. Si Kiev disposait en 2022 d'un avantage de 9 contre 1 face aux Russes s'agissant des drones commerciaux, celui-ci avait "quasiment disparu" en mars 2023.
"Si le ministère russe de la Défense a mis du temps à rattraper son retard, les troupes russes ont rapidement compris l'utilité des quadcoptères commerciaux et des groupes de volontaires ont vu le jour pour fournir aux soldats de première ligne des drones et la formation nécessaire", selon Stacie Pettyjohn.
Moscou s'est notamment "fortement appuyé" sur les drones kamikazes FPV pour contrecarrer la contre-offensive ukrainienne l'été dernier.
Aujourd'hui, s'ils sont devenus indispensables aux opérations terrestres, ils ne peuvent donner l'avantage, juge Stacy Pettyhohn. Leur omniprésence dans chaque camp est telle qu'ils "rendent plus difficiles la concentration des forces, l'effet de surprise et la conduite d'opérations offensives".
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M.T.Smith--TFWP