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Neuf tirailleurs très âgés, qui ont combattu pour la France notamment en Indochine et en Algérie, sont arrivés vendredi au Sénégal pour finir sereinement leur vie, après une longue bataille avec l'administration française pour faire reconnaître leurs "sacrifices".
Lorsque le premier d'entre eux a franchi les portes de l'avion à l'aéroport Blaise Diagne, installé dans son fauteuil roulant, la barbe toute blanche, vêtu d'un boubou traditionnel marron, les familles et anciens combattants ont lancé les premiers applaudissements.
L'heure des retrouvailles avait sonné. Certains souriaient, d'autres pleuraient, tous marqués par l'émotion de rentrer au crépuscule de leur vie dans leur pays d'origine.
"C'est un patriarche, c'est vraiment le baobab de la famille aujourd'hui. Il nous manque énormément", a déclaré à l'AFP juste avant leur arrivée Sidi Diémé, frère de l'un d'eux, Oumar Diémé, 91 ans.
"La mesure est peut-être arrivée un peu tard, mais aujourd'hui le sentiment qui domine c'est la joie", poursuit-il, disant que son seul regret est que son aîné "ne pourra pas bénéficier du même plateau médical qu'en France".
"On a préparé ce qu'il aime le plus, le mafé", un plat traditionnel sénégalais. "Il est pressé de retourner au village, en Casamance, parce qu'il se sent mieux là-bas qu'à Dakar", a-t-il confié.
La première étape du retour est une rencontre vendredi avec le président Macky Sall au palais présidentiel. Une réception à l'ambassade de France est prévue samedi.
Tous élégants en impeccables costumes ou en tuniques traditionnelles, portant avec prestance leurs médailles militaires, ces tirailleurs sénégalais avaient quitté à l'aube leurs studios de 15 mètres carrés dans un foyer à Bondy, en région parisienne, où ils vivaient depuis des années.
"Vive nos pères !", "Vive la France et le Sénégal !", a-t-on entendu fuser lors des moments émouvants de photos de groupe ou d'échanges avec la secrétaire d'Etat française aux Anciens combattants et à la Mémoire, Patricia Mirallès, avant leur départ. "Vous allez nous manquer! mais la famille vous attend là-bas...", leur a lancé la secrétaire d'Etat, émue.
Cela arrive "tardivement", car "beaucoup de camarades sont morts avant de bénéficier de cette mesure...", a déploré l'ancien combattant.
Une aide exceptionnelle finance aussi leur déménagement, leur vol retour et leur réinstallation.
- "Soulagement" -
"Je suis extrêmement émue", a confié à l'AFP avant de prendre l'avion Aïssata Seck, présidente de l'Association pour la mémoire et l'histoire des tirailleurs sénégalais.
Petite-fille d'un tirailleur, elle a été la cheville ouvrière qui depuis 10 ans a travaillé à leur reconnaissance, jusqu'à la décision du président français Emmanuel Macron début 2023 d'annoncer cette mesure dérogatoire pour leur allocation.
"Le fait qu'ils puissent enfin rentrer chez eux, c'est un vrai soulagement et c'est l'aboutissement d'un très long combat" pour qu'ils aient "une fin de vie digne", selon Mme Seck, qui estime que l'Etat français "a fait ce qu'il fallait".
Pour Claire Miot, maîtresse de conférence en histoire à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence (France), "c'est une reconnaissance de leurs sacrifices au service de la France qui est extrêmement tardive car ce sont des hommes qui ont 90 ans, sans même parler des soldats engagés dans la Seconde guerre mondiale qui sont majoritairement décédés".
Le corps français des "Tirailleurs sénégalais", créé sous le Second Empire (1852-1870) et dissous dans les années 1960, rassemblait des militaires des anciennes colonies d'Afrique. Le terme a fini par désigner l'ensemble des soldats d'Afrique qui se battaient sous le drapeau français.
Après les départs de vendredi, il reste encore en France 28 tirailleurs - tous d'origine sénégalaise -, dont plusieurs sont susceptibles de bientôt rentrer définitivement.
Selon l'historien Julien Fargettas, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, ils étaient plus de 200.000 lors de la Première guerre mondiale, 150.000 pour la Seconde, 60.000 en Indochine.
M. Fargettas, qui a organisé des rencontres entre ces tirailleurs de Bondy et des jeunes en France, souligne qu'"ils sont les représentants d'une époque, et la mémoire vivante des tirailleurs".
Engagé volontaire dans l'armée française par tradition familiale, Yoro Diao, 95 ans, Légion d'honneur à la boutonnière, veut "se reposer" à Kaolack, dans le centre du Sénégal.
"C'est un jour très important pour nous, et mémorable!", a-t-il confié à l'AFP avant de monter dans l'avion. "Nos enfants et nos petits-enfants s'en rappelleront toujours... que papy est, ce jour-là, revenu de France très content".
S.Palmer--TFWP