AEX
5.1700
L'Américaine Mikaela Shiffrin vise ce week-end une 100e victoire en Coupe du monde à Killington (Vermont), dans l'Etat où son obsession pour les fondamentaux du ski a lancé à l'adolescence son ascension vers les sommets.
Phénomène de précocité, Shiffrin débute en Coupe du monde à deux jours de ses 16 ans le 11 mars 2011 à Spindleruv Mlyn (République tchèque), avant un premier succès à 17 ans et un premier titre olympique, en slalom, à 18 ans en février 2014 à Sotchi.
Avant ses premiers exploits internationaux et après son enfance à Vail (Colorado), Mikaela Shiffrin façonne son art à la Burke Mountain Academy, école de ski privée proche de la frontière canadienne, dont elle suit les entraînements dès ses 11 ans, sans avoir l'âge d'intégrer l'établissement d'excellence comme son grand frère Taylor.
"Elle n'était qu'une petite fille, mais très motivée pour son âge, elle adorait skier et travailler à s'améliorer", raconte à l'AFP Kirk Dwyer, entraîneur en chef de l'école à l'époque, un des techniciens qui a accompagné la montée en puissance du prodige.
"On n'avait déjà plus besoin de lui enseigner les fondamentaux, il était plutôt question d'affiner sa technique, elle était très avancée mais comme d'autres sportifs de son âge".
Sur les pentes de la petite station, à deux heures de route au nord de Killington, Shiffrin arrive la première chaque matin aux remontées mécaniques, et répète inlassablement ses gammes.
Lors d'un stage sur le Mt Hood, en Oregon, elle met 1h45 à descendre la piste, passant patiemment en revue tous les exercices fondamentaux.
"Elle travaillait très dur pour maîtriser parfaitement les choses simples", commente M. Dwyer, qui mène l'après-midi de longues séances vidéo avec Mikaela et sa mère Eileen, accompagnatrice ensuite de sa fille sur le cirque blanc.
- "Blessure à l'âme" -
"Je pense qu'elle montre sa plus grande force face à l'adversité", ajoute son ancien entraîneur, présent à Killington ce week-end.
Lorsqu'elle a 13 ans, les Shiffrin retrouvent le Colorado. La motivation et les résultats de Mikaela chutent: elle pousse pour retourner dans le Vermont, accompagnée de sa mère, et devient une machine à gagner.
Après ses exploits précoces en Coupe du monde, surtout en slalom, elle exporte son talent sur plusieurs disciplines et gagne trois fois d'affilée le classement général (de 2017 à 2019), avant deux nouveaux gros globes en 2022 et 2023.
Sa folle série de succès est stoppée net en février 2020 avec le décès de son père Jeff dans un accident domestique, survenu alors qu'elle se trouvait en Italie.
"La dernière chose que les médecins nous ont dit avant que l'on monte dans l'avion, c'est qu'ils allaient faire tout leur possible pour le maintenir en vie jusqu'à notre arrivée (avec sa mère)", écrit-elle sur le site Player's Tribune en 2022.
Les mois qui suivent sont difficiles, sur et hors des pistes.
"La vérité c'est que je ne suis jamais vraiment bien, ou pas bien. Ca dépend des jours, et ça n'a rien à voir avec ma faculté à descendre vite d'une montagne (...) c'est une blessure, mais à l'âme. Il n'y a pas de protocole de reprise, de calendrier, de rééducation. Certains jours je me lève en me disant, +à quoi bon?+"
- Cauchemar à Pékin -
Les résultats reviennent fin 2021, mais sa renaissance sportive se fracasse sur des Jeux olympiques ratés à Pékin en février 2022 (aucune médaille, trois sorties de piste), lors desquels elle se sent "ridicule".
Son nouveau rebond l'année suivante est spectaculaire (21 podiums dont 15 succès). Elle met en avant sa relation sentimentale avec le champion norvégien Aleksander Aamodt Kilde et son travail en thérapie: "l'échec ne fait pas de toi une ratée", comprend-elle.
Après avoir dépassé le record de victoires féminin de sa compatriote Lindsey Vonn (82) puis absolu du Suédois Ingemar Stenmark (86) début 2023, Shiffrin continue de multiplier les exploits, en géant et en slalom, et parfois sur les disciplines de vitesse.
"Elle n'a jamais cessé de peaufiner sa technique. Elle a renforcé certains éléments, a gagné en puissance ces dernières années", estime M. Dwyer, désormais directeur du programme de ski alpin à la Carrabassett Valley Academy.
"La concurrence est devenue plus rude, avec Petra Vlhova notamment, elle a dû répondre en augmentant son niveau de ski, en tant que compétitrice elle a naturellement été poussée vers le haut."
Si haut, que les 100 victoires internationales pourraient n'être qu'un passage de son ascension.
J.M.Ellis--TFWP