AEX
13.6800
"Un coup de semonce", voire le combat de "la dernière chance pour sauver la médecine de terrain": des milliers de médecins et biologistes libéraux ont fermé cabinets et laboratoires jeudi et vendredi, les uns pour réclamer des hausses de tarifs, les autres pour s'élever contre une ponction de leurs bénéfices.
"Je fais des remplacements un peu partout, et ça ne me donne pas envie de m'installer", témoigne Julien Rogowski, 30 ans, généraliste en Alsace. "Je me demande toujours : +Mais comment fait le titulaire pour tenir, pour travailler dans ces conditions-là?+"
Un peu plus expérimenté, Arnaud Saada, 39 ans, installé à Massy (Essonne), se lamente devant le nombre de demandes de rendez-vous qu'il n'arrive pas à honorer. "Je refuse une petite dizaine de patients par jour, c'est abominable", confie-t-il.
Ce "mouvement historique" a été initié par le jeune collectif "Médecins pour demain", qui a rassemblé en quelques semaines près de 15.000 membres sur Facebook, symptôme d'une colère qui se répand parmi les 110.000 praticiens libéraux en exercice.
Avec pour revendication le doublement du tarif de la consultation (de 25 à 50 euros), ce groupe a rallié les syndicats à sa cause. Ceux-ci y voient un moyen de peser dans la négociation ouverte avec l'Assurance maladie en vue d'un nouvel accord pour les cinq prochaines années.
- Cinquante euros -
"Cinquante euros, ça peut paraître complètement fou, mais c'est un point sur l'horizon pour s'approcher de la moyenne européenne" du tarif de consultation, autour de 45 euros, fait valoir Jérôme Marty, du syndicat UFML.
"Est-ce que les Français sont prêts à débourser 50 euros ? Ça coûte 7 milliards d'euros. Est-ce qu'ils sont prêts à ce que leur complémentaire santé augmente ?", a réagi sur franceinfo le patron de l'Assurance maladie, Thomas Fatôme, tout en se disant prêt à "une revalorisation".
La hausse des tarifs est présentée par les syndicats comme une nécessité pour créer un "choc d'attractivité" vers une médecine de ville en manque criant d'effectifs, écrasée par les tâches administratives au détriment du soin, et qui n'attire plus les jeunes.
Médecins pour demain a anticipé "des milliers de cabinets médicaux fermés" durant deux jours. Un rassemblement était prévu à Paris, près du ministère de la Santé à 14H00.
Les médecins s'inquiètent aussi pour leur liberté d'installation, de plus en plus remise en question, notamment au Parlement où s'accumulent les propositions de loi sur les déserts médicaux.
"Si nous ne sommes pas entendus, nous appellerons à la grève dure et illimitée à partir du 26 décembre", prévient déjà Médecins pour demain.
- "Entêtement" -
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a indiqué jeudi sur BFMTV souhaiter laisser "l'Assurance maladie travailler avec les syndicats". Mais il a dit comprendre "parfaitement le stress, voire la détresse dans laquelle se trouvent un certain nombre de nos médecins".
Son successeur au ministère de la Santé, François Braun, est "à l'écoute des médecins libéraux et les incite à s'engager dans la négociation avec l'Assurance maladie afin d'identifier des solutions concrètes", assure son entourage.
Il sera cependant "particulièrement attentif (...) à ce que la continuité des soins des Français soit assurée", prévient son cabinet. Des réquisitions sont possibles.
Les médecins ne sont pas seuls dans ce mouvement. Pointés du doigt pour leurs profits record liés aux tests Covid-19, les laboratoires refusent eux la ponction de 250 millions d'euros par an inscrite dans le budget de la Sécurité sociale.
"Ce coup de rabot entraînera une fermeture des laboratoires de proximité", s'est alarmé François Blanchecotte (Syndicat des biologistes), au nom d'une profession qui emploie 52.000 salariés et pourrait perdre selon lui 400 de ses 4.200 sites.
Le secteur, qui revendique "90 à 95%" de laboratoires en grève, a proposé de "rendre" 685 millions d'euros sur quatre ans, soit "près de 80%" de ses bénéfices depuis 2020.
Sa mobilisation durera non pas deux mais trois jours, samedi inclus. "Si le gouvernement ne saisit pas la possibilité de dialoguer, son entêtement va nous obliger à (...) prendre des dispositions encore plus graves et difficiles à supporter", a menacé devant la presse François Blanchecotte, portant un brassard "BIO EN GREVE".
S.Palmer--TFWP