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Sur la terrasse d'une pizzeria coincée entre une autoroute bruyante, des fast-foods et les champs désespérément plats de l'Ohio, Matt Kruse et sa famille sont venus écouter J.D. Vance, un candidat qui, comme nombre de républicains, a placé l'inflation au coeur de sa campagne pour le Sénat américain.
Casquette vissée sur la tête, Matt partage la même priorité que l'orateur: juguler cette "inflation hors de contrôle" en disant "stop" aux dirigeants démocrates lors de ces élections de mi-mandat, dit-il à l'AFP, l'une de ses filles dans les bras.
A une heure de là, changement de décor: un large monospace sombre roule lentement d'un pavillon à l'autre, le dimanche est morne. "Ça doit être ici, le numéro 800", dit Amy Cox, qui pleine d'énergie descend de voiture pour accrocher des tracts aux portes d'entrée.
De retour au volant, le chien Toby installé près du frein à main, la candidate démocrate au scrutin local explique faire campagne sur ce qui l'émeut: l'avortement, parce que "pour nombre de femmes (…), leurs droits sont bien plus importants que l'inflation".
A l'approche des "midterms", un sujet écrase pourtant tous les autres: la hausse des prix. Et, dans les bourgs résidentiels de l'Ohio où poussent citrouilles d'Halloween et pancartes électorales, les républicains tentent d'exploiter ce thème pour rallier les électeurs - quand les démocrates, déterminés à défendre le droit à l'avortement, ont tendance à l'esquiver.
"Maintenant, en allant au supermarché, vous dépensez 350, 400 dollars pour une famille de quatre", reprend Matt Kruse, cheveux courts et polo sombre. "Avant, ça vous revenait à moins de 200 balles!"
- L’inflation comme "un impôt" -
"Quand ils parlent de l'avortement, de ce genre de truc, ça touche pas tout le monde", juge le policier de 43 ans. Alors que dans cet Ohio à cheval entre le nord-est industriel et le Midwest agricole, "la majorité des gens sont de la classe moyenne, populaire, (l'inflation) ça nous touche."
"L'inflation qui frappe ce pays constitue un impôt sur la classe moyenne", martèle J.D. Vance à Mt Orab, où Matt est venu l'écouter. En 2020, le comté a voté à 78% pour Donald Trump, soutien de J.D. Vance dans l'un des duels les plus observés du pays.
En jean et chemise blanche, le candidat de 38 ans insiste sur la flambée du prix des oeufs, "c'est fou, c'est fou", et la trentaine de militants d'acquiescer dans un murmure.
Il rappelle aussi ses origines locales modestes, celles qu'il racontait dans un ouvrage qui l'a rendu célèbre, "Hillbilly Elegy". "Il nous faut retourner à un pays dans lequel des gens comme ma mamie peuvent aller faire leurs courses sans vider leur compte en banque", lance J.D. Vance.
Premier point de son tract: lutter contre l'inflation "causée" par Joe Biden.
- Colère -
"Si les démocrates continuent à faire tourner la planche à billets, ça va être de pire en pire, il faut qu'on arrête ça", s'agace Angela Marlow, mère de neuf enfants aux traits tirés. "L'état de l'économie pousse les gens à voter républicain", conclue la militante.
L'inflation, à un plus haut depuis près de 40 ans, constitue de loin le premier sujet d'inquiétude des Américains.
Mais la décision de la Cour suprême, en juin, de dynamiter le droit à l'avortement, a aussi ébranlé le pays, les femmes en particulier. Et c'est avec cette colère froide que la démocrate Amy Cox fait campagne au milieu des arbres aux couleurs d'automne à Trenton, dans le sud-ouest de l'Ohio.
Casquette sur la tête, elle descend de voiture, traverse un jardin, toque à une porte. Une vieille dame surgit, Amy Cox dépose un tract. Dessus, son nom et Tim Ryan, l'opposant à J.D. Vance pour le Sénat.
- "On n'appelle pas ça inflation"-
"Nous sommes pro-ouvriers, pour la hausse des salaires...", assure la candidate locale, avant d'en venir à ce qui la touche le plus: "il nous faut prendre soin des gens, surtout des femmes, nous sommes celles qui font tourner le monde entier, non?", dit-elle avant de passer à la porte suivante.
Premier point de son tract: la défense du droit à l'IVG.
A ses côtés dans le monospace sombre, Melissa VanDyke, candidate dans la circonscription voisine. "On ne fait pas campagne sur l'inflation, parce qu'on appelle pas ça inflation," dit-elle, "on appelle ça la cupidité des grandes entreprises." La priorité pour ses bénévoles: téléphoner aux jeunes femmes des foyers conservateurs pour les convaincre d'aller voter démocrate.
De toute façon, lâche la militante de 42 ans, nombre d'hommes blancs des classes populaires sont déjà "perdus" pour son parti.
W.Lane--TFWP