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La fille du président Carlos Andrés Pérez parlait au téléphone quand elle a entendu les premières rafales sur la résidence officielle du président du Venezuela à Caracas, il y a tout juste 30 ans, les 3 et 4 février 1992.
Le coup d'Etat échoue, mais il propulse sous les feux des projecteurs, son instigateur, un militaire de 37 ans alors inconnu, le lieutenant-colonel Hugo Cesar Chavez.
"Malheureusement, nous n'avons pas, pour le moment, atteint les objectifs", avait lancé Hugo Chavez, dans une bravade désormais célèbre à la télévision, reconnaissant son échec.
"Ce +pour le moment+ est devenu l'espoir en lui pour toujours", a déclaré cette semaine son successeur Nicolas Maduro, assurant que "Chavez s'est rebellé contre le système dominant, l'oligarchie et l'impérialisme".
Emprisonné puis gracié deux ans plus tard, Hugo Chavez devient grâce à ce coup manqué une figure de l'opposition et de la gauche. Il accède finalement à la présidence par les urnes en 1999 (élection en 1998). Réélu, il restera au pouvoir jusqu'à sa mort en 2013.
Défenseur de l'héritage "chaviste" et adepte du culte de la personnalité de son mentor, le président Maduro a érigé le "4F" en "Jour de la dignité" et promis un 30e anniversaire en grande pompe.
"Ils nous ont attaqués de manière cruelle et terrible pendant plus de quatre heures", se souvient Carolina Pérez, la fille cadette de l'ex-président Carlos Andrés Pérez, dit CAP, décédé aux Etats-Unis en 2010.
Son père avait quitté la résidence quelques minutes auparavant pour rejoindre le palais présidentiel de Miraflores, attaqué par la suite par des véhicules blindés.
- Brandy pour les blessés -
Ailleurs dans le pays, des bataillons se soulèvent dans une action coordonnée pour tenter de renverser "CAP".
Elu triomphalement en 1988 après avoir été président de 1974-79, ce dernier a vu sa popularité s'éroder avec un virage néo-libéral et une crise sociale marquée notamment par le "Caracazo", la répression dans le sang par l'armée d'émeutes en 1989.
Lors de l'attaque de la résidence, Carolina Pérez, alors âgée de 29 ans, se retrouve avec sa mère Blanca, deux enfants de 4 et 5 ans et une tante de 83 ans.
"Trente ans plus tard, je ne comprends toujours pas la sauvagerie" de l'attaque, dit-elle à l'AFP.
Plus de 200 militaires tirent sans discontinuer sur le bâtiment dont les murs sont criblés de mitraille. Son véhicule encaisse plus de 500 balles et deux obus de mortier tombent sur la chapelle et la maison, sans exploser. Les murs de la chambre et le couloir principal sont tachés de sang.
Selon sa fille, Blanca de Perez, décédée en 2020, fait garder sa famille par un agent civil, et se met à soigner les blessés, déchirant les rideaux pour faire des pansements. "Elle donnait du paracétamol et du brandy (aux blessés) pour calmer leur douleurs", raconte-t-elle.
Mais Hugo Chavez et les putschistes ont surestimé leur force. CAP résiste et au petit matin s'adresse au pays à la télévision. Le coup a échoué.
Accusé de détournement de fonds, le président est destitué l'année suivante, purge deux ans de prison à son domicile de La Ahumada à Caracas où vit toujours Carolina, puis quitte le pays en 2001 pour éviter un nouveau procès.
Carlos Hermoso, 69 ans, et son parti Red Flag (drapeau rouge) soutenaient depuis 1970 l'idée d'une insurrection dans l'espoir d'instaurer un gouvernement communiste. "C'était un mouvement qui avait beaucoup de chaleur humaine. Le but était un soulèvement populaire (...) Ca a toujours été notre idée, qu'il y ait coup ou non", dit-il à l'AFP.
Avec 550 hommes, il était prêt à rejoindre l'offensive des insurgés, mais les armes promises par des militaires fidèles à Chavez ne sont pas arrivées.
"Chavez n'a jamais fait confiance aux civils. En fin de compte, un imbécile a fini par jouer le rôle de héros", dit-il sans détours.
Carolina Pérez, qui a longtemps dormi avec une arme même si elle ne savait pas s'en servir, se souvient de la reddition du soldat en charge de l'attaque de la résidence et aujourd'hui oublié. Lui aussi a dit "+Tu as gagné... pour l'instant+", raconte-t-elle, "Seulement, lui, il ne l'a pas dit la télévision..."
L.Holland--TFWP