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Les rues et les commerces de Birmanie se sont vidés mardi, une grève silencieuse pour marquer le premier anniversaire du coup d’État, tandis que l'ONU et Washington accentuent la pression sur les généraux.
Rangoun, la capitale économique, était déserte en fin de matinée et de nombreux magasins gardaient porte close. L'appel, lancé par les opposants à la junte, était très suivi à travers toute la Birmanie, comme à Myitkyina, capitale de l’État Kachin, dans le nord du pays, ou à Mandalay, dans le centre.
"Personne ne sort dans mon quartier, les forces de sécurité patrouillent", a raconté à l'AFP un habitant de la ville.
"Le silence est le cri le plus fort que nous pouvons lancer contre les soldats et leur sanglante répression", a écrit une opposante sur Twitter.
Depuis le coup d’État du 1er février 2021 contre Aung San Suu Kyi, plusieurs grèves silencieuses ont été menées, dont une en décembre qui avait déjà vidé les rues du pays.
Ulcérés, les généraux ont averti que de telles actions pourraient désormais être qualifiées de haute trahison. Ils ont aussi menacé de saisir les commerces qui resteraient fermés, leurs partisans encourageant la population à la délation.
Mardi, dans le journal d’État Global New Light of Myanmar, le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a promis d'organiser des élections "libres et équitables (...) dès que la situation serait pacifiée et stabilisée".
Depuis son passage en force, plus de 1.500 civils ont été tués et près de 9.000 sont détenus dans les geôles du régime, d'après un observatoire local qui dénonce des cas de viols, de torture et d'exécutions extrajudiciaires.
Face à cette spirale de violence, la communauté internationale a accru lundi la pression sur les généraux.
L'ONU a fait savoir qu'elle enquête sur des crimes contre l'humanité.
"La justice internationale a la mémoire très longue", a averti Nicholas Koumjian, à la tête du Mécanisme onusien d'enquête indépendant pour la Birmanie. Créé par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU en septembre 2018, ce groupe monte des dossiers en vue de procédures pénales.
Les Etats-Unis ont de leur côté imposé, en coordination avec le Royaume-Uni et le Canada, de nouvelles sanctions financières.
Sont ciblées sept personnes et deux entités "liées au régime militaire de Birmanie". Les plus hauts responsables judiciaires, le procureur général Thida Oo, le président de la Cour suprême Tun Tun Oo et le chef de la commission anti-corruption Tin Oo, sont notamment visés, selon un communiqué du Trésor américain.
- "Pas oublié" -
"Tant que le régime privera le peuple de Birmanie de sa voix démocratique, nous le ferons payer aux militaires et à leurs partisans", a mis en garde le président américain Joe Biden. "Je dis au peuple birman: nous n'avons pas oublié votre combat".
Londres "défendra toujours le droit à la liberté (...) Nous ferons rendre des comptes à ce régime brutal et oppressif", a promis de son côté la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss.
Depuis le putsch qui a mis fin à une décennie de transition démocratique, Aung San Suu Kyi, 76 ans, est assignée à résidence dans un endroit tenu secret.
La prix Nobel de la paix est visée par une multitude de chefs d'accusation (violation d'une loi sur les secrets d’État datant de l'époque coloniale, fraude électorale, sédition, incitation aux troubles publics, corruption...).
Lundi, elle a été de nouveau inculpée, accusée cette fois d'avoir fait pression sur la commission électorale lors des législatives de 2020 remportées massivement par son parti.
Déjà condamnée à six ans de prison, elle risque des décennies de prison au terme de son procès.
Le pays a plongé dans le chaos ces douze derniers mois. La rébellion, menée par des milices citoyennes et des factions ethniques, s'intensifie, poussant la junte à encore durcir sa répression. Ces violences ont déjà fait plusieurs centaines de milliers de déplacés.
L'émissaire de l'ONU pour la Birmanie, Noeleen Heyzer, a plaidé lundi pour la tenue prochaine d'une "réunion humanitaire" avec "la plupart des parties prenantes" au conflit.
Dans une déclaration commune, les ministres des affaires étrangères d'Australie, de Grande-Bretagne, de Corée du Sud, des États-Unis, du Canada ou encore de l'Union européenne ont exhorté la communauté internationale à mettre un terme au flux "d'armes et de matériel" vers les militaires.
Des déclarations trop timides pour de nombreuses ONG qui exhortent la Conseil de sécurité de l'ONU à décréter un embargo mondial sur les armes.
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S.Palmer--TFWP