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Entre ses soutiens milliardaires de la Silicon Valley et sa vieille garde anti-immigration, Donald Trump a récemment vu les relations entre deux de ses factions alliées tourner au vinaigre, menaçant ainsi sa coalition avant même son retour au pouvoir.
De quoi aussi donner un aperçu, selon des experts, des tensions auxquelles le futur locataire de la Maison Blanche pourrait être confronté au cours des prochains mois.
La querelle, portant sur la question des visas pour les travailleurs étrangers qualifiés, a éclaté à Noël sur les réseaux sociaux et exposé au grand jour les profondes lignes de fracture entre les "tech bros", ces milliardaires de la Silicon Valley qui ont versé des fortunes pour faire élire à nouveau Donald Trump; et la base "MAGA" de ce dernier, qui s'oppose à presque toute forme d'immigration.
Cette "guerre des mots" a représenté "une première salve dans la bataille au long cours sur le futur du mouvement +MAGA+", estime Flavio Hickel, professeur de sciences politiques au Washington College.
En première ligne du camp de la Silicon Valley: Elon Musk, homme le plus riche de la planète, qui a dépensé au moins 250 millions de dollars dans la campagne en faveur de Donald Trump. Le républicain l'a récompensé en le nommant à la tête d'une commission chargée de sabrer dans les dépenses publiques, aux côtés d'un autre milliardaire, Vivek Ramaswamy.
Le patron de SpaceX et Tesla, naturalisé américain, a pris position en faveur des visas H1-B -- très utilisés par les entreprises de la Silicon Valley pour employer des travailleurs étrangers -- arguant qu'"amener via l'immigration légale le top 0,1% des talents en ingénierie est essentiel" pour les Etats-Unis.
- Nativisme -
Pour Flavio Hickel, Elon Musk, Vivek Ramaswamy et les autres magnats de la tech qui ont soutenu Donald Trump sont "idéologiquement libertariens", s'opposant donc à l'interventionnisme de l'Etat et favorisant davantage certains tenants conservateurs comme la réduction du déficit public et l'immigration légale.
Les "MAGA" traditionnels, eux, "semblent n'avoir cure du budget", ajoute le professeur, et considèrent que le nativisme de Donald Trump, c'est à dire son opposition à l'immigration, représente "l'aspect le plus attractif" de ses campagnes présidentielles.
Elon Musk, qui a qualifié ses détracteurs conservateurs de "bouffons méprisables", a promis de "partir en guerre" sur cette question des visas et s'est attiré en retour les foudres de la faction adverse.
Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche, a menacé sur son podcast d'"arracher la tête" du patron de Tesla.
Pour ce partisan d'une ligne dure sur l'immigration, les soutiens milliardaires de Donald Trump n'ont jamais véritablement compris ce qui rendait le magnat new-yorkais aussi attrayant auprès des électeurs des classes populaires, et ces "convertis récents" devraient "rester en retrait et étudier" la position "MAGA" traditionnelle.
Steve Bannon s'est également insurgé contre les entreprises de la Silicon Valley qui "ont éviscéré la classe moyenne" aux Etats-Unis selon lui, en laissant des étrangers remplir certains postes.
- Pragmatisme -
Mais dans cette guerre de tranchées, Donald Trump a choisi son camp - celui de la tech - en défendant les visas H1-B, et provoqué ainsi la stupeur chez certains de ses partisans.
Pour le politologue Donald Nieman, il faut mettre au crédit du président élu sa capacité à assembler une coalition plus élargie que par le passé, même si cela rend les conflits plus probable.
"Il sait qu'il doit réussir sur l'économie - le sujet qui l'a emmené jusqu'à la Maison Blanche", et il n'y aurait donc aucun intérêt politique à "tirer dans les pattes" de la tech, affirme le professeur à l'université Binghamton.
Le mouvement "MAGA" a peut-être changé de visage de manière permanente avec cet influx financier de la Silicon Valley, et Donald Trump, qui a fait preuve de pragmatisme idéologique par le passé, pourrait choisir d'ignorer la frange la plus à droite sur les questions épineuses.
Mais pour certains, cette faille qui s'est ouverte entre les deux factions trumpistes finira mal pour Elon Musk, car le futur président républicain est conscient que son réel pouvoir a toujours résidé dans le soutien apporté par les classes populaires.
T.Mason--TFWP