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Des heurts opposent mardi à Islamabad les forces de sécurité à des milliers de partisans de l'ex-Premier ministre Imran Khan, entrés tôt dans la capitale pour réclamer la libération de leur champion, malgré un déploiement sécuritaire inédit.
Sur la voie rapide à l'entrée ouest d'Islamabad, les cortèges de manifestants galvanisés par Bushra Bibi, l'épouse tout juste sortie de prison de l'ancienne star du cricket, qui appelait à avancer dans des haut-parleurs, sont entrés dans la capitale.
Non sans mal: d'abord, ils ont dû déplacer les centaines de containers installés pour barrer les routes. Puis, à intervalles réguliers, des cordons de policiers et de paramilitaires les attendent et tirent grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc. Les manifestants, eux, répliquent par d'autres grenades lacrymogènes, des jets de pierre et de bâtons.
Ils ne sont plus désormais qu'à environ cinq kilomètres de D-Chowk, lieu habituel de protestation à la lisière du quartier où se trouvent toutes les institutions du pays, le cinquième le plus peuplé au monde.
Les autorités, elles, rapportent qu'un policier a été tué et que neuf autres se trouvent dans un état critique, sans donner plus de détails sur les circonstances.
- 20.000 policiers et paramilitaires -
Depuis dimanche, "plus de 20.000 membres des forces de sécurité ont été déployés dans et autour d'Islamabad", avait annoncé à l'AFP Mohammed Taqi, porte-parole de la police de la capitale.
Le ministre de l'Intérieur Mohsin Naqvi, lui, a été clair en visitant à plusieurs reprises dans la nuit D-Chowk: "Ceux qui viendront ici seront arrêtés".
Washington a "exhorté" les autorités pakistanaises à "respecter les droits humains et les libertés fondamentales", tout en appelant les manifestants à être "pacifiques".
Si la rumeur a parlé toute la nuit dans les médias locaux de négociations entre le pouvoir et le Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti d'opposition de M. Khan, rares sont ceux qui imaginent une désescalade dans le calme.
Car les deux camps ont fait monter la tension depuis des jours autour de ce que le PTI présente comme "son dernier acte".
L'appel à manifester avait été lancé pour dimanche. Les manifestants sont partis des provinces limitrophes de la capitale - le Pendjab à l'est et le Khyber-Pakhtunkhwa, fief du PTI, à l'ouest.
- "Containeristan" -
Ils ont mis plus de 48 heures à arriver aux portes d'Islamabad, où est incarcéré M. Khan, 72 ans.
En face, les autorités avaient sorti les grands moyens, allant jusqu'à susciter l'interrogation.
Dès le début de la semaine, Islamabad avait déclenché l'"article 144" qui interdit tout rassemblement de plus de quatre personnes - pour deux mois. Le Pendjab, où vivent plus de la moitié des Pakistanais, lui a emboîté le pas samedi, pour trois jours.
"Les autorités vivent dans une mentalité de siège - un état dans lequel elles se voient toujours en danger et vivent dans la peur permanente d'être renversées", accuse dans une tribune Maleeha Lodhi, ex-diplomate pakistanaise.
"Vu l'ampleur des préparatifs, on se demande si la police d'Islamabad se prépare à une guerre", s'interrogeait dès mercredi dans son éditorial Dawn, le quotidien de référence en anglais.
Partout dans la capitale, depuis des jours, des centaines de containers ont été déposés par des grues en travers des routes.
"Islamabad va une fois de plus se transformer en +Containeristan+. Est-ce vraiment nécessaire?", poursuit Dawn.
Les écoles d'Islamabad restent fermées alors que l'Etat a indiqué que "le réseau internet mobile et le wi-fi seront coupés" partout où il verra "un danger". Depuis dimanche, aucun quartier n'a échappé à ces coupures.
La Commission pakistanaise des droits humains (HRCP), principale ONG de défense des libertés du pays, estime que ces blocages "pénalisent les citoyens ordinaires, et en particulier les travailleurs journaliers dont le revenu dépend de la liberté de mouvement".
- "Sacrifier nos vies pour lui" -
Les pro-Khan, eux, balaient invariablement les menaces d'un revers de la main.
Kalat Khan, 56 ans, se présente comme "un soldat d'Imran Khan". "Nous sommes prêts à sacrifier nos vies pour lui et nous irons à D-Chowk", lance-t-il à l'AFPTV.
"Nous resterons là-bas jusqu'à ce qu'Imran Khan soit libéré", renchérit Raïs Khan, 36 ans.
Le chef du gouvernement du Khyber-Pakhtunkhwa, Ali Amin Gandapur, ne cesse de narguer les autorités: "Vous pouvez nous tirer dessus, nous bombarder et bloquer les routes avec vos containers. Si ça dégénère, vous serez responsables".
M. Khan, au pouvoir de 2018 à 2022, est actuellement poursuivi dans une centaine d'affaires concernant des manifestations violentes de ses partisans.
En juillet, un panel d'experts de l'ONU avait réclamé sa libération, jugeant sa détention "arbitraire".
Récemment, dix députés de son parti avaient été présentés à un juge antiterroriste pour avoir manifesté quelques jours après l'adoption d'une loi encadrant les manifestations à Islamabad.
P.Navarro--TFWP