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Alors qu'elle fuit la répression du régime iranien depuis cinq ans, Maysoon Majidi, militante kurde de 28 ans, ne s'attendait pas à être incarcérée en Italie pour trafic de migrants au terme de son éprouvante traversée de la Méditerranée.
Au lendemain de son arrivée en Calabre, dans le sud de l'Italie, le 31 décembre 2023, à bord d'une embarcation de 77 passagers en provenance de Turquie, Maysoon Majidi a été interpellée, soupçonnée d'avoir joué un rôle de passeur sur la base de deux témoignages ensuite démentis.
"J'ai essayé de dire que je suis une réfugiée politique, que je n'ai rien fait de mal", explique Maysoon Majidi dans un entretien à l'AFP.
"Aucun d'entre nous ne souhaite quitter son pays et affronter tous ces dangers pour arriver jusqu'ici. J'ai dû quitter l'Iran non seulement pour rester en vie, mais aussi pour pouvoir continuer mon travail de militante", plaide en farsi la jeune femme dont les propos sont traduits.
Entretemps, elle aura passé près de dix mois en prison, avec la menace d'un procès pour "complicité d'aide à l'immigration irrégulière", chef passible de six à 16 ans de prison.
Remise en liberté le 22 octobre, la militante reste en attente du jugement prévu le 27 novembre qui devrait définitivement l'innocenter, grâce notamment à la déposition du capitaine du bateau de fortune, qui l'a blanchie.
Elle espère rapidement pouvoir rejoindre son frère en Allemagne.
Amnesty International et plusieurs personnalités politiques ont soutenu Maysoon Majidi, qui a reçu la citoyenneté d'honneur de la commune de Riace en Calabre, la pointe de la Botte italienne.
Son maire, Domenico Lucano, également député européen, y a porté une politique d'accueil des migrants, dont une communauté kurde.
- Un long exil -
Née en 1996 dans la province iranienne du Kurdistan, Maysoon Majidi a étudié le théâtre et la sociologie. Elle a dénoncé la misogynie ambiante dans plusieurs articles écrits sous pseudonyme, puis réalisé un court-métrage avec des kolbars, ces Kurdes qui risquent leur vie en transportant des marchandises dans les montagnes séparant l’Iran de l’Irak, à défaut d’autres perspectives économiques.
L'ONG Hana, qui documente les atteintes aux droits humains dans sa région natale, a confirmé que Maysoon Majidi était l'une de ses membres actives.
"J'étais toujours sous observation même lorsque j'étudiais à l'université", raconte-t-elle. "En 2019, ils m'ont arrêtée puis relâchée, mais j'ai su qu'ils me suivaient et qu'ils m'avaient libérée pour avoir accès à mes contacts".
Commence alors l'exil, avec son frère. Réfugiée à Erbil, dans le Kurdistan autonome d'Irak, elle devient journaliste et participe à l'organisation de manifestations du mouvement "Femme, Vie, Liberté", après la mort de Mahsa Amini, étudiante kurde arrêtée par la police des mœurs iranienne en septembre 2022.
De nouvelles menaces la poussent à fuir en Turquie, d'où elle parvient à réunir l’argent nécessaire pour rejoindre l'Italie.
- 'Qu'est-ce que je fais ici?' -
Son incarcération la plonge dans l'incompréhension: elle observe plusieurs grèves de la faim, notamment pour demander un interprète.
Parisa Nazari, militante féministe iranienne installée en Italie, a soutenu Maysoon Majidi et se souvient de son état de détresse en prison: "Je pouvais sentir ses côtes en la prenant dans mes bras. Elle me demandait constamment: "Qu'est-ce que je fais ici?".
"Thirsty flight", le court-métrage de Maysoon Majidi, a été projeté fin octobre au centre culturel kurde de Rome en présence de militants du collectif "Free Maysoon Majidi", venus de Calabre pour raconter les mois de mobilisation jusqu'à sa remise en liberté.
Aux yeux des ONG et associations, la jeune militante est victime de la politique du gouvernement ultraconservateur de Giorgia Meloni, qui s'est engagé depuis son arrivée au pouvoir en 2022 à endiguer l'arrivée sur le territoire de migrants franchissant la Méditerranée.
"Trop souvent, il y a une impression que ces personnes qui étaient à bord d'embarcations transportant des migrants sont arrêtées pour montrer que la lutte contre la soi-disant immigration clandestine fonctionne", a estimé Riccardo Noury, porte-parole d'Amnesty International Italia auprès de l'AFP.
Plusieurs procès similaires de personnes migrantes soupçonnées d'avoir joué un rôle de passeur sont toujours en cours en Italie, comme celui de Marjan Jamali, une Iranienne arrivée en Italie avec son fils fin 2023, fuyant "la violence de son compagnon et du régime iranien" selon Amnesty International.
A.Maldonado--TFWP