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A la tête de Bercy durant sept ans, l'ancien ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a réfuté jeudi toute "faute" ou "dissimulation" face à l'importante dégradation des finances publiques de la France, chargeant le gouvernement actuel.
Déplorant les "attaques" et "mensonges" le visant, l'ex-grand argentier a défendu sa "vérité" durant deux heures et demie devant la commission des Finances du Sénat, qui a débuté une série d'auditions dans le cadre d'une mission d'information sur la dérive des comptes publics, avant une commission d'enquête à l'Assemblée nationale.
Le déficit public est attendu à 6,1% du PIB cette année, un chiffre très éloigné des 4,4% prévus à l'automne 2023 et des 5,1% prévus au printemps après réévaluation par l'exécutif précédent. Il ne passerait sous les 3% du PIB autorisés par l'UE qu'en 2029, faisant de la France un mauvais élève européen.
En cause, selon l'ex-ministre parti enseigner à Lausanne (Suisse), les soutiens massifs déployés durant les crises successives, et cette année des recettes de prélèvements obligatoires inférieures de 41,5 milliards d'euros aux prévisions.
- "Arbitrage" présidentiel -
"Il n'y a eu ni faute, ni dissimulation, ni volonté de tromperie. Il y a eu fondamentalement une grave erreur technique d'évaluation des recettes", sur laquelle ne se prononce pas le ministre, a-t-il souligné: il y a "une étanchéité totale" afin d'éviter un risque de "manipulation".
Le président de la commission des Finances Claude Raynal (PS) a estimé que le gouvernement disposait très tôt de notes internes qui pressentaient un dérapage plus net que prévu, et qu'il a tardé à en tenir compte.
Bruno Le Maire a contesté. Face à la brusque dégradation de l'environnement économique début 2024, entraînant un abaissement de 1,4% à 1,1% de la prévision de croissance, Bercy a réagi "rapidement, avec sérieux et une pleine conscience de la gravité de la situation", en annulant 10 milliards d'euros de crédits dès février. Durant l'été, 16,5 milliards d'euros de crédits ont été gelés.
Mais l'ex-ministre a regretté d'avoir échoué à convaincre de la nécessité au printemps d'un projet de loi de finances rectificative pour 15 milliards d'euros. Si le ministre des Finances propose des économies, "l'arbitrage" revient au président Emmanuel Macron, a-t-il souligné, se disant toutefois "solidaire" des décisions prises.
Ensuite, après la dissolution de l'Assemblée nationale en juin et malgré une dérive aggravée selon Bercy par les dépenses des collectivités locales, "nous ne disposions plus ni de la légitimité institutionnelle, ni des leviers administratifs pour prendre des mesures fortes".
- "Autosatisfaction" -
"Je note cette espèce de feu d'artifice d'autosatisfaction collective et solidaire sur votre action qui se paie (...) au prix fort (...) d'une dette colossale et abyssale", a taclé le rapporteur général du budget Jean-François Husson (LR). La dette avoisine 3.230 milliards (112% du PIB), alourdie d'un millier de milliards depuis 2017.
Le dérapage du déficit, après celui déjà observé en 2023 à 5,5% du PIB contre 4,9% prévus, a suscité des questionnements sur la fiabilité des prévisions de la précédente majorité macroniste.
Entendu par la commission, l'ex-ministre des Comptes publics Thomas Cazenave a déclaré que trois quarts de l'aggravation d'environ 50 milliards d'euros du déficit cette année provenaient d'un problème de prévision des recettes; et le reste, de "l'augmentation très rapide" des dépenses des collectivités, alors que celles de l'Etat baissent.
Outre une inflation moins forte, une masse salariale moins dynamique et une croissance davantage tirée par le commerce extérieur, "est-ce l'effet des sorties de crise qui éprouvent un peu des modèles qui étaient très stables dans le temps?", s'est-il interrogé.
Pour l'actuel ministre de l'Economie, Antoine Armand, plutôt que "la recherche de responsabilités individuelles", la mauvaise santé des finances requiert une "capacité, collectivement, à nous remettre en cause pour dépenser moins".
Le Sénat entendra l'ancien Premier ministre Gabriel Attal vendredi et sa prédécesseure Elisabeth Borne le 15 novembre, avant l'examen prochainement du projet de budget 2025 et les "60 milliards" d'effort budgétaire qu'il prévoit.
H.M.Hernandez--TFWP