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Responsable du site internet de Charlie Hebdo au moment de l'attentat de janvier 2015, Simon Fieschi, dont le décès à l'âge de 40 ans a été annoncé samedi, avait été grièvement blessé lors de cette attaque et se qualifiait lui-même de "survivant".
Le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête pour rechercher les causes de son décès, sans privilégier d'hypothèse à ce stade, alors que son corps sans vie a été retrouvé cette semaine dans une chambre d'hôtel.
Ce père de famille, marié à une Australienne, avait été la première personne touchée lors de l'attaque jihadiste menée contre l'hebdomadaire satirique, auquel il avait continué par la suite de collaborer à temps partiel.
Se déplaçant avec une béquille, il était récemment apparu au procès de Peter Cherif, condamné à la réclusion perpétuelle pour son rôle dans l'organisation de cet attentat perpétré par les frères Kouachi.
A l'inverse des autres parties civiles, il avait expliqué avoir eu "toutes les réponses" qu'il voulait lors des audiences, malgré le mutisme de l'accusé sur son rôle exact auprès des assaillants, près de dix années après les faits.
En 2020, lors du premier procès de cet attentat, Simon Fieschi, qui avait perdu sept centimètres en raison d'une balle de kalachnikov tirée à bout portant et venue se loger dans sa colonne vertébrale, avait évoqué la vie d'après, alors qu'il avait passé neuf mois à l'hôpital à la suite de l'attaque.
"Les douleurs sont à vie. On ne peut pas s'en débarrasser. (...) Désormais, je dois faire un travail de rééducation à vie", avait-il raconté face à la cour d'assises spéciale de Paris.
- "Effort psychique" -
"Je suis en post-traumatisme et j'y resterai toute ma vie. (...) C'est un effort psychique de tous les jours, une fatigue abyssale", avait-il poursuivi, évoquant pêle-mêle les "tremblements" aux jambes, la "perte de motricité", les "difficultés de concentration", "les épisodes de tristesse et de colère"...
Après avoir voulu embrasser une carrière dans la gendarmerie à l'adolescence, il avait rejoint en 2012 Charlie Hebdo "pour s'occuper du site internet et des réseaux sociaux", selon sa biographie publiée sur le site de l'hebdomadaire.
Décrit comme aimant le musicien Keith Jarret, le héros de bande dessinée Gaston Lagaffe et le philosophe Emil Cioran, il prenait également la parole dans des établissements scolaires pour partager son histoire.
Face à des lycéens, il avait ainsi affirmé ressentir une "culpabilité du survivant".
"Moi, j'ai fait face autrement car j'étais blessé. J'avais l'impression d'avoir payé le tarif. On assiste souvent à une inversion de la culpabilité: c'est comme si c'était de la faute de celui qui prend la balle et non de celui qui l'a tirée. Nous, on a été attaqués pour ce que l'on faisait: est-ce qu'on ne l'a pas un peu cherché ? Au procès, les innocents se sentent mal et ceux qui ne ressentent pas de culpabilité sont dans le box", avait-il déclaré, selon des propos retranscrits sur le site de l'Association française des victimes de terrorisme.
Après l'annonce de son décès, de nombreuses réactions ont afflué sur les réseaux sociaux pour saluer sa mémoire.
La rédaction de Charlie Hebdo s'est ainsi dite "dévastée par la mort de (son) ami", qualifié de "drôle, vif, inlassable défenseur de la liberté", dans un message sur X.
"Simon Fieschi luttait pour surmonter l'horreur dont il avait été l'une des victimes. Il y a des cicatrices que beaucoup ne voient plus mais qui ne se referment jamais", a pour sa part écrit sur le même réseau François Hollande, président de la République au moment de l'attentat contre Charlie Hebdo.
S.Jones--TFWP