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Le président kényan William Ruto a nommé vendredi le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki nouveau vice-président, quelques heures après la destitution historique de Rigathi Gachagua, en conflit avec le chef de l'Etat.
M. Ruto avait 14 jours à partir de la destitution pour nommer un nouveau vice-président. Cette nomination doit être approuvée dans les deux mois par l'Assemblée nationale, où le camp présidentiel est majoritaire.
Ce feuilleton politique a captivé le pays d'Afrique de l'Est, généralement considéré comme une démocratie stable dans une région turbulente.
"Ce matin, j'ai reçu un message de Son Excellence, le Président, concernant la nomination du professeur Kithure Kindiki (...) pour combler le poste vacant de vice-président de la République du Kenya, à la suite de la destitution du précédent titulaire du poste", a déclaré vendredi le président de l'Assemblée nationale Moses Wetangula lors d'une session spéciale.
Jeudi soir, près d'une semaine après l'adoption à une écrasante majorité de la motion de destitution de M. Gachagua par l'Assemblée nationale, le Sénat avait jugé le vice-président, hospitalisé au moment du vote, coupable de "violation grave" de la Constitution, de menaces envers les juges et de pratiques politiques de division ethnique.
Rigathi Gachagua, 59 ans, est le premier vice-président écarté du pouvoir dans le cadre d'une telle procédure, prévue par la Constitution de 2010.
En conflit ouvert avec le président William Ruto depuis plusieurs mois, il a qualifié les accusations de "pure propagande" et de "complot visant à (le) chasser du pouvoir en raison d'autres considérations politiques".
Quelques heures avant le vote de la chambre haute, il a été hospitalisé pour de "fortes douleurs thoraciques". Selon un médecin, son état était jeudi soir stable mais il restera en observation entre 48 et 72 heures.
Sa destitution faisait les gros titres vendredi matin.
La Une du quotidien The Standard montrait une photo de M. Gachagua assortie d'un titre simple : "Viré". "La nuit des longs couteaux qui a scellé le destin de Gachagua", a écrit The Nation sur son site internet.
Son successeur Abraham Kithure Kindiki, 52 ans, a été propulsé sur le devant de la scène internationale lorsqu'il a défendu William Ruto devant la Cour pénale internationale (CPI). M. Ruto y était avec d'autres dirigeants kényans accusé d'implication dans des crimes commis lors des violences post-électorales au Kenya en 2007, des poursuites finalement abandonnées.
M. Kindiki, un ancien professeur d'université originaire de la région stratégique Mont Kenya est loué par ses partisans pour son bon sens.
Mais il a été vivement critiqué pour avoir défendu les forces de l'ordre lors de manifestations antigouvernementales en juin-juillet, dont la violente répression policière a fait au moins 60 morts.
- Déconnexion -
M. Ruto avait choisi M. Gachagua comme colistier pour la présidentielle de 2022, malgré sa réputation déjà sulfureuse, marquée par plusieurs accusations de corruption.
Doté d'un solide réseau d'influence notamment dans la région stratégique du Mont Kenya, cet ancien homme d'affaires de l'ethnie kikuyu - majoritaire dans le pays - a joué un rôle crucial dans la victoire de M. Ruto face à son rival Raila Odinga (50,49% contre 48,85%).
Mais les relations entre les deux hommes à la tête de l'Etat se sont détériorées notamment depuis le mouvement de contestation antigouvernementale qui a secoué le pays en juin et juillet.
Les détracteurs du vice-président l'accusent de ne pas avoir soutenu le chef de l'Etat face aux manifestations qui demandaient sa démission.
Le mouvement s'est essoufflé mais le ressentiment est toujours présent, et la crise actuelle au sommet de l'Etat est, pour de nombreux Kényans, un nouveau signe de déconnexion de la classe politique.
William Ruto est resté silencieux sur l'affaire qui a mené à la destitution de M. Gachagua. Ce dernier a lui affirmé que la procédure "ne (pouvait) pas" avoir été lancée sans l'accord du chef de l'Etat.
M. Gachagua a la semaine dernière promis de se battre "jusqu'au bout" et de contester sa destitution en justice si elle était votée.
D.Johnson--TFWP