AEX
-2.0100
Le Parlement européen est un "blob qui engloutit tout", il faut donc veiller à ce que les élus ne se fassent pas "manger par le blob": pour son premier interrogatoire devant le tribunal correctionnel, Marine Le Pen a multiplié lundi les métaphores, quitte à esquiver les questions précises pour se défendre sur le terrain politique.
"On n'a pas eu notre réponse mais nous allons l'avoir, je n'en doute pas", dit patiemment la présidente Bénédicte de Perthuis, qui a déjà demandé plusieurs fois à la cheffe de file de l'extrême droite "comment" elle avait choisi ses assistants parlementaires au Parlement européen, quand elle y avait été élue pour la première fois, en 2004.
"C'était il y a 20 ans", alors "les détails", Marine Le Pen, tailleur noir et dossiers posés à côté du pupitre, va avoir du mal à les donner.
"Bien entendu, j'ai choisi mes assistants parlementaires, ou j'ai décidé de manière parfaitement consciente de les mutualiser avec les autres eurodéputés", assure-t-elle cependant, reprenant la thèse chère au Rassemblement national.
Le parti, Marine Le Pen et 24 autres prévenus sont jugés depuis quinze jours, et jusqu'au 27 novembre, soupçonnés de détournement de fonds publics, recel ou complicité pour avoir mis en place ou participé à un système centralisé de gestion des enveloppes (auxquelles les députés européens ont droit pour rémunérer leurs assistants parlementaires) pour payer des salariés travaillant en réalité pour le parti.
Il y avait donc, explique-t-elle, "une sorte de mutualisation" des assistants parlementaires, qui mettent en commun les notes, revues de presse ou diverses activités de secrétariat.
"Je n'ai absolument pas le sentiment d'avoir commis la moindre irrégularité, la moindre illégalité", répète-t-elle comme depuis le début du procès.
La semaine dernière, lui rappelle le tribunal, l'ex-eurodéputé Fernand Le Rachinel avait "dit qu'il y avait des gens qui ne travaillaient pas du tout", et "qu'il devait quémander pour avoir des assistants parlementaires...".
"Il ne me semble pas, pardon, que Fernand Le Rachinel ait dit les choses telles quelles", balaie Marine Le Pen, qui veut surtout parler de "politique".
Elle y revient autant que possible, même quand ses contradicteurs "cherchent la petite bête" avec leurs questions.
- "Coucou, on fait de la politique" -
"La vraie question, c'est: le député travaille-t-il pour lui même ?", martèle-t-elle. "Moi je considère que le député travaille au bénéfice de ses idées. Et qui porte leurs idées ? Leur parti", affirme Marine Le Pen. "L'activité politique d'un élu se fait au bénéfice de son parti", articule-t-elle encore, pour marteler son exaspération.
Quid d'assistants dont les salaires sont pris en charge par le Parlement européen ?
"Lorsque les assistants parlementaires n'étaient pas strictement attachés à des tâches parlementaires, ils pouvaient travailler pour le parti", avait lâché Marine Le Pen à son juge d'instruction, aux prémices de l'enquête, rappelle l'avocat du Parlement européen, Me Patrick Maisonneuve.
A la barre, l'embarras de la triple candidate malheureuse à la présidentielle est palpable: "Ces déclarations sont moins importantes que le fond", tente-t-elle de balayer, reprenant son argumentaire, un ton plus haut, le détachement des syllabes traduisant à nouveau un agacement certain.
Reste qu'au bout de près de deux heures, le tribunal n'aura pas vraiment réussi à évoquer le cœur du sujet du jour, le contrat qui l'a liée pendant cinq ans à Catherine Griset, en tant que son assistante parlementaire (l'accusation considère qu'elle était surtout sa cheffe de cabinet au parti), tant Marine Le Pen multiplie les digressions.
"Le Parlement européen fonctionne d'une telle manière qu'il engloutit les députés comme un blob", un organisme vorace absorbant tout sur son passage, démontre-t-elle notamment. "Il y a de tout au Parlement européen, on peut manger, dormir, aller chez le coiffeur, il y a des bars... tout est fait pour que le député vive en vase clos", explique-t-elle.
Alors, "le rôle" du responsable politique, c'est de dire "coucou, on fait de la politique", pour que les élus "ne soient pas perdus pour la cause". "Ils le doivent aux militants qui sont allés coller des affiches la nuit, sous la pluie, parfois sous la neige", s'emporte-t-elle.
S.Weaver--TFWP