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Des policiers et un commissariat visés par des tirs, un 12e homicide par balle en neuf mois, des vols à main armée "banalisés": en Martinique, le "fléau" des armes à feu qui circulent de manière "massive", comme dans le reste des Caraïbes, sur fond de trafic de stupéfiants, inquiète les autorités.
"On est un territoire où on a plus de meurtres ici qu'à Mayotte, plus qu'en Seine-Saint-Denis et plus qu'à Marseille", déclare à l'AFP Clarisse Taron, la procureure de la République de Fort-de-France, évoquant un "fléau".
Depuis le début de l'année, cette île des Antilles françaises de quelque 350.000 habitants a enregistré, sur 19 au total, 12 homicides par armes à feu. Ces dernières sont impliquées dans environ deux tiers des meurtres chaque année, précise la procureure.
La Martinique se classe au 3e rang des régions françaises les plus touchés par les homicides, derrière la Guyane et la Guadeloupe, deux autres départements et régions d'Outre-mer, d'après le service statistiques du ministère de l'Intérieur, sur la période 2021-2023.
Avec en moyenne 6,7 meurtres pour 100.000 habitants, la Martinique dépasse par exemple les départements de Mayotte (5,1), de la Corse-du-Sud (3,9), des Bouches-du-Rhône (3,8) et de la Haute-Corse (3,6).
La question des armes à feu en Martinique a rebondi ces dernières semaines à la faveur des violences urbaines qui ont secoué certaines partie de l'île dans un contexte de mobilisation contre la vie chère.
"On a tiré sur le commissariat, on a tiré sur une voiture de police (...) Nous avons, par miracle, évité un drame absolu", s'est ému le préfet de Martinique fin septembre.
- "Far West" caribéen -
Meurtres ou tentatives d'homicides, violences avec armes, vols à main armée... Depuis début 2024, le parquet a ouvert 302 procédures impliquant des armes à feu, soit plus d'une affaire par jour. Au 19 septembre, il y avait eu, par exemple, 112 vols à main armée.
"C'est vraiment un truc très, très banalisé", s'inquiète Clarisse Taron. Selon elle, les armes à feu sont très faciles à se procurer dans cette île, entre Etats-Unis et Brésil, et la circulation est "massive" sur fond de trafics de stupéfiants.
La position géographique de la Martinique explique ce phénomène, confirme une autre source interrogée par l'AFP: les Américains produisent des armes massivement, la Colombie et le Venezuela laissent leur population s'armer.
Pour cette source, la région Caraïbes ressemble au "Far West". La Martinique et la Guadeloupe n'y échappent pas.
Au 30 septembre, 127 armes à feu ont été saisies, 183 en 2023 et 290 en 2022, selon les autorités. Ces saisies sont le signe que les armes sont partout, poursuit la source proche du dossier.
"Maintenant les armes, c'est des Glocks, des Taurus, voire des armes de guerre. Et les gens les achètent 1.000 euros ou plus donc c'est pas pour les reposer à la préfecture", explique Mme Taron, en référence aux opérations "Déposez les armes".
"Dès qu'on fait une perquisition, on peut tomber sur une arme", ajoute-t-elle, notant une hausse du nombre d'"armes de guerre". "On a des 9 mm mais avec des chargeurs à 30 munitions", expose-t-elle.
- Garde-côtes pas assez nombreux -
Les sources s'accordent pour dire que trafics de stupéfiants et d'armes vont de pair en Martinique.
Depuis début 2024, plus de 28 tonnes de drogue -de la cocaïne en quasi-totalité- ont été saisies en mer par les Forces armées aux Antilles, contre 9,7 tonnes en 2023.
Produite en Colombie, la cocaïne transite par le Venezuela avant de passer par la Martinique. Par voie maritime, ce territoire est le premier point d'entrée de la drogue dans l'Union européenne, devant la Guadeloupe.
De fait, "un tiers des meurtres commis sont liés à des règlements de comptes" sur fond de trafic de stupéfiants, disait la procureure en décembre.
Comment empêcher les armes d'arriver illégalement sur le territoire? L'Etat avait promis en 2022 la mise en place de radars pour surveiller les côtes, en complément d'autres dispositifs. Mais cela n'empêchera pas complètement le trafic d'armes: les gardes-côtes, pas assez nombreux, se concentrent sur le port et l'aéroport et certains pêcheurs sont complices, selon la source proche du dossier.
J.Barnes--TFWP