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Les députés ont élu vendredi la plus jeune Première ministre de l'histoire de la Thaïlande, Paetongtarn Shinawatra, 37 ans, l'héritière de la richissime famille qui divise le royaume depuis plus de vingt ans.
La présidente du parti Pheu Thai, seule candidate en lice, a récolté plus de la moitié des voix à l'hémicycle, selon un comptage de l'AFP en cours de vote.
Elle devient la troisième Shinawatra à occuper le rôle, après son père Thaksin (2001-2006) et sa tante Yingluck (2011-2014), tous les deux renversés par un coup d'Etat.
Les Shinawatra sont indissociables des tensions qui fragmentent le royaume depuis plus de vingt ans, entre une vieille garde pro-monarchie protégée par l'armée, et des électeurs avides de changement.
A bientôt 38 ans (le 21 août), Paetongtarn Shinawatra bat un record de précocité en Thaïlande où, depuis l'instauration de la monarchie constitutionnelle en 1932, la politique reste le domaine réservé de figures masculines et vieillissantes.
Le prochain gouvernement, qui n'entrera en fonction qu'après l'accord formel du roi, doit sortir de la crise un royaume à l'arrêt, sur fond de divisions tenaces et de croissance en berne.
En une semaine, la Cour constitutionnelle a dissous le principal parti d'opposition et destitué l'ex-Premier ministre Srettha Thavisin, allant à l'encontre de la volonté de changement exprimé par une majorité de Thaïlandais dans les urnes, selon le camp prodémocratie.
- Coalition décriée -
Paetongtarn dispose du soutien de la coalition majoritaire sortante, dominée par le parti Pheu Thai sous l'influence de son père.
Ultrapopulaire dans les années 2000, Thaksin, ancien policier qui a fait fortune dans les télécoms, a longtemps été la bête noire des généraux, qui détestaient son style jugé populiste et affairiste.
Le milliardaire de 75 ans, au bilan teinté par la représsion violente conduite dans le Sud musulman ou dans le cadre de sa guerre antidrogue, a repris un rôle central depuis qu'il est rentré en Thaïlande l'an dernier, après 15 années d'exil volontaire pour échapper à des condamnations qu'il contestait.
"Comme père et comme ancien Premier ministre d'expérience, il me donne des conseils", a déclaré jeudi Paetongtarn.
Longtemps discrète, sa fille a été mise en lumière au moment des législatives de 2023 -- mais sans mener le parti vers le raz-de-marée électoral promis dans les sondages.
Faute d'avoir remporté suffisamment de sièges, le Pheu Thai a dû s'allier avec des partis pro-armée, ses anciens rivaux, trahissant au passage une promesse de campagne.
Jusqu'à la destitution de Srettha Thavisin, Paetongtarn était chargée de promouvoir le "soft power" au sein d'un comité gouvernemental, tout en dirigeant le parti.
Sur les réseaux sociaux, elle a continué à partager son train de vie luxueux, et des moments passés en famille avec ses deux enfants et son mari - à la plage, au tennis ou à l'étranger.
- "Prête" -
"Elle a deux, trois années d'expérience, et elle vient d'une famille politique, donc je pense qu'elle est prête", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Yuttaporn Issarachai.
Le profil de Paetongtarn peut séduire les nouvelles générations, qui ont réclamé lors de grandes manifestations en 2020 et 2021 une refonte en profondeur du système, mais "ça sera difficile de se détacher de l'influence des conservateurs et des militaires", a-t-il estimé.
La candidate a indiqué jeudi qu'elle s'inscrivait dans la lignée de son prédécesseur, qui avait donné la priorité au tourisme et aux investissements étrangers pour relancer une croissance stagnante.
La Cour constitutionnelle a destitué mercredi Srettha Thavisin, accusé d'avoir enfreint des règles d'éthique fixées dans la Constitution en nommant comme ministre un avocat condamné à une peine de prison.
Une semaine plus tôt, les mêmes juges ont dissous le principal parti d'opposition, Move Forward, qui dispose du plus grand nombre de députés à l'Assemblée.
La formation, porte-étendard du mouvement prodémocratie, a acté sa renaissance sous la bannière du Parti du peuple.
Elle n'a pu pas présenté de candidat vendredi, le seul nom éligible, Pita Limjaroenrat, ayant été exclu de la vie politique par décision de la Cour constitutionnelle.
L.Davila--TFWP