AEX
5.1700
Les experts de l'ONU déployés au Venezuela pour suivre la présidentielle du 28 juillet estiment dans leur rapport que les "mesures élémentaires de transparence et d'intégrité" nécessaires à des élections "crédibles" n'ont pas été respectées, suscitant l'ire de Caracas, qui les qualifie "d'ordures".
Le Conseil national électoral (CNE) a ratifié début août la victoire du président sortant Nicolas Maduro avec 52% des voix, sans publier le décompte exact et les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d'un piratage informatique.
Selon l'opposition, qui a publié les procès-verbaux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a remporté l'élection avec 67% des voix, un résultat rejeté par M. Maduro.
L'annonce de la réélection de M. Maduro pour un troisième mandat a provoqué des manifestations spontanées, avec un bilan de 25 morts, 192 blessés et 2.400 arrestations de source officielle. L'opposition, qui n'a jusqu'à présent organisé qu'une seule mobilisation, le 3 août, a appelé à de grandes manifestations samedi.
"Le processus de traitement des résultats par le CNE n'a pas été à la hauteur des mesures élémentaires de transparence et d'intégrité qui sont essentielles à la tenue d'élections crédibles", estiment les experts, notant que le conseil n'a pas suivi les "dispositions légales et réglementaires nationales".
Ils montrent en particulier du doigt l'absence de publication des résultats par bureau de vote, comme le réclament l'opposition et une partie de la communauté internationale.
A l'invitation du CNE, un groupe de quatre experts électoraux de l'ONU avait été déployé au Venezuela pour suivre le scrutin et produire un rapport en interne de leurs observations au secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Suite à la multiplication des critiques à propos du scrutin, l'ONU a finalement publié mardi soir le rapport préliminaire.
Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a dit "rejeter catégoriquement" le rapport "qui répand une série de mensonges, violant dans son contenu et sa méthode, non seulement les principes qui régissent le fonctionnement des groupes d'experts, mais aussi les termes de référence signés avec le pouvoir électoral vénézuélien",
Caracas estime qu'il s'agit d'un "acte absolument irréfléchi qui sape la confiance dans les mécanismes conçus pour la coopération".
Avant même la publication du rapport, Jorge Rodriguez, le président du Parlement où le pouvoir détient une majorité écrasante (256 des 277 députés), avait qualifié les experts "d'ordures": "Le groupe d'experts de l'ONU (...) n'a pas de parole. Ce sont des ordures sans parole. Ils ont signé (un accord avec le Venezuela) en disant que leur rapport était confidentiel, que seul le pouvoir électoral du Venezuela et le secrétaire général des Nations unies en auraient connaissance".
Il veut désormais faire interdire toute observation étrangère au Venezuela "pour que plus jamais un étranger ne vienne prendre position sur quoi que ce soit en rapport avec les élections au Venezuela". "Pourquoi doivent-ils venir, à quel titre?", a-t-il lancé aux députés.
Il vise aussi la Fondation Carter qui a critiqué cette réélection, et notamment la non-publication des résultats détaillés par le CNE. La Fondation a également mis en doute la réalité du piratage informatique allégué.
M. Rodriguez a lancé ces attaques lors d'une séance exceptionnelle de l'Assemblée nationale qui a suspendu ses vacances pour commencer à examiner mardi des lois jugées liberticides par l'opposition.
L'Assemblée doit travailler sur une loi réglementant les ONG et associations, une autre sur les réseaux sociaux et une troisième pour punir le "fascisme" - terme utilisé régulièrement par le pouvoir pour désigner l'opposition.
Avant une suspension jusqu'à jeudi, les députés ont approuvé plusieurs points de la loi sur les ONG, notamment la notification "des financements" ou l'"identification des donateurs, nationaux ou étrangers". Les ONG ont aussi interdiction de "recevoir des contributions financières destinées à des organisations à but politique".
- "Climat de peur" -
La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a lancé un "appel urgent" à l'Assemblée pour qu'elle n'adopte pas la loi, estimant qu'elle "restreindrait arbitrairement le droit d'association, la liberté d'expression (...) dans un contexte de fermeture de l'espace civique".
Autre axe de travail: "le fonctionnement des réseaux sociaux". Depuis l'élection, M. Maduro les attaque régulièrement, assurant qu'ils tentent de déstabiliser le pays et mettre en doute la validité de sa réélection. Il a fait suspendre X pour 10 jours et a lancé une campagne de boycott de WhatsApp.
Le Parlement va aussi se pencher sur un projet de "loi contre le fascisme" avec des amendes pouvant aller jusqu'à 100.000 dollars ou l'interdiction pure et simple pour les entreprises, organisations ou médias qui "incitent au fascisme".
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits humains, Volker Türk a appelé les autorités à ne pas "adopter ces lois et toute autre loi qui porte atteinte à l'espace civique et démocratique dans le pays."
"Il est particulièrement troublant que tant de personnes soient détenues, accusées ou inculpées pour incitation à la haine ou en vertu de la législation antiterroriste", a-t-il souligné.
"Dans un climat de peur, il est impossible de mettre en œuvre les principes démocratiques et de protéger les droits humains", a ajouté sa porte-parole, Ravina Shamdasani.
W.Lane--TFWP