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Le Brésil, la Colombie et le Mexique ont insisté vendredi sur la nécessité pour Caracas de rendre publics les procès-verbaux de la présidentielle après la réélection contestée du président Nicolas Maduro, que Washington a mis en garde contre toute tentative d'arrestation des leaders de l'opposition.
S'estimant victime d'un complot, M. Maduro a lui annoncé suspendre la plateforme X (ex-Twitter) pendant dix jours.
Les trois pays, dirigés par des présidents de gauche comme M. Maduro, "partent du principe que le Conseil national électoral (CNE) est l'organe légalement mandaté pour divulguer de manière transparente les résultats de l'élection", selon une déclaration conjointe.
Ils disent prendre note du processus engagé auprès de la Cour suprême (Tribunal suprême de justice TSJ), que M. Maduro a saisi afin de faire "valider" sa victoire, mais soulignent qu'il "est souhaitable de permettre une vérification impartiale des résultats, dans le respect du principe fondamental de la souveraineté populaire".
Le CNE a ratifié vendredi 2 août la victoire de M. Maduro avec 52% des voix, sans toutefois rendre publics le décompte exact des voix et les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d'un piratage informatique.
Selon l'opposition, qui a publié les procès-verbaux obtenus grâce à ses scrutateurs -- dont la validité est rejetée par M. Maduro -- Edmundo Gonzalez Urrutia, qui avait remplacé au pied levé la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado -- déclarée inéligible --, a remporté le scrutin avec 67% des voix.
L'opposition ainsi que de nombreux observateurs estiment que le piratage du CNE est une invention du gouvernement pour ne pas avoir à publier les procès-verbaux des bureaux de vote.
Le CNE comme le TSJ sont considérés comme étant aux ordres du pouvoir.
- "Unir la communauté internationale" -
Les troubles qui ont suivi la proclamation de la victoire du président sortant ont fait 24 morts, selon un bilan des organisations de défense des droits humains. M. Maduro a, lui, annoncé la mort de deux membres de la garde nationale et l'arrestation de plus de 2.200 personnes.
Washington, qui est à la tête des sanctions contre le Venezuela, durcies depuis 2019, a haussé le ton jeudi, avertissant que l'arrestation des leaders de l'opposition pourrait "mobiliser la communauté internationale encore plus, y compris les pays qui ne veulent pas trop faire de vagues" contre le Venezuela.
"Si Maduro fait cela, cela va unir la communauté internationale d'une manière dont il n'a pas idée", a estimé Francisco Mora, l'ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'Organisation des Etats américains (OEA).
Mme Machado et M. Gonzalez Urrutia, discret diplomate, vivent cachés depuis plus d'une semaine, la leader de l'opposition ayant même affirmé craindre pour sa vie.
Le parquet a ouvert une enquête pénale contre les deux dirigeants, notamment pour "usurpation de fonctions, diffusion de fausses informations, incitation à la désobéissance aux lois, incitation à l'insurrection, association de malfaiteurs".
Soulignant sa "vulnérabilité absolue" face aux autorités, M. Gonzalez Urrutia, 74 ans, ne s'est pas rendu mercredi à une convocation du TSJ qui a convoqué tous les candidats et d'autres responsables. M. Maduro est notamment convoqué vendredi à 12H00 (16H00 GMT).
S'adressant par vidéo conférence à des médias mexicains, Mme Machado a elle prévenu d'un exode sans précédent si le président Nicolas Maduro restait au pouvoir.
"Si Maduro choisit de s'accrocher au pouvoir par la force (...), nous ne pourrions que voir une vague migratoire comme nous n'en avons jamais vue auparavant: trois, quatre, cinq millions de Vénézuéliens en très peu de temps", a-t-elle déclaré.
- X suspendu dix jours -
Selon l'ONU, quelque sept des 30 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays en une décennie en raison de la crise économique et politique que traverse le Venezuela, à destination de pays latino-américains mais aussi des Etats-Unis.
Jeudi soir, devant des centaines de partisans venus le soutenir dans le centre de Caracas, le président Maduro a annoncé que le réseau X (ex-Twitter) était suspendu pendant dix jours. "Personne ne me fera taire, je vais affronter l'espionnage de l'empire technologique. Elon Musk (...) a violé toutes les règles du réseau social Twitter, devenu X, et les a violées en incitant à la haine et au fascisme", a lancé M. Maduro, qui accuse régulièrement le milliardaire américain de comploter contre lui.
Le président avait annoncé lundi se retirer de WhatsApp tout en fustigeant les réseaux sociaux accusés de tentative de "coup d'Etat cyberfasciste criminel" dans le sillage de son élection contestée.
M. Maduro et les autorités ont accusé plusieurs fois M. Musk d'avoir participé à "l'attaque cybernétique massive" du CNE, selon l'expression de la vice-présidente Delcy Rodriguez, qui a critiqué "la dictature des réseaux sociaux" cherchant "à remplacer la volonté populaire des gouvernements élus par leurs citoyens".
Devant un parterre de diplomates, elle s'en est aussi prise à la communauté internationale: "Il y a une hystérie internationale à propos des procès-verbaux, ils pourraient même faire une série Netflix".
"Excusez-moi Monsieur l'ambassadeur français, mais les procès-verbaux ont même éclipsé les Jeux olympiques", a-t-elle ironisé.
A.Maldonado--TFWP