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Les procureurs tanzaniens ont annoncé vendredi qu'ils abandonnaient les poursuites pour terrorisme contre le chef du principal parti d'opposition Freeman Mbowe, mettant fin à un procès qualifié de politique par sa formation et critiqué par les organisations de défense des droits civiques.
"Nous n'avons pas l'intention de poursuivre avec cette affaire", a déclaré un des procureurs, Robert Kidando, lors d'une audience devant la Haute cour de Dar es Salaam, ouvrant la voie à une prochaine remise en liberté de M. Mbowe, détenu depuis son arrestation le 21 juillet dernier.
"Puisque le directeur du ministère public a annoncé sa décision de classer l'affaire et que la défense l'a acceptée, l'affaire est maintenant retirée du tribunal et j'ordonne la libération inconditionnelle des suspects", a ensuite déclaré le juge Joachim Tiganga.
Si le juge a exigé sa libération "immédiatement", il n'était pas clair si Freeman Mbowe, absent à l'audience de vendredi, avait été remis en liberté ou quand cela interviendrait.
Son parti Chadema a diffusé sur Twitter des images de l'audience, montrant ses soutiens en liesse, s'embrassant et entonnant les paroles d'une chanson de l'artiste kényan Juliani: "Je suis prêt à payer le prix. Je ne permettrai pas au mal de régner".
Âgé de 60 ans, Freeman Mbowe était accusé de "financement du terrorisme" et "complot terroriste" avec trois autres membres de son parti. Ils avaient été arrêtés en juillet à Mwanza (ouest), où devait se tenir un rassemblement pour demander des réformes constitutionnelles.
Selon Chadema, les procureurs l'accusaient d'avoir planifié une attaque contre un fonctionnaire et d'avoir donné 600.000 shillings tanzaniens (220 euros) pour l'organisation d'attentats contre des stations-service et des rassemblements publics, et pour abattre des arbres pour bloquer les routes.
Freeman Mbowe a affirmé avoir été torturé en détention et avoir dû enregistrer des déclarations sous la contrainte.
- "Tourner la page" -
Ces arrestations et ce procès avaient suscité l'indignation de l'opposition et d'organisations de défense des droits civiques, douchant les espoirs d'ouverture démocratique suscités par l'arrivée au pouvoir en mars 2021 de Samia Suluhu Hassan après le décès soudain de John Magufuli, surnommé "le bulldozer" pour son style autoritaire.
Plusieurs pays occidentaux s'étaient également émus, et des représentants d'ambassades dans le pays ont régulièrement assisté aux audiences de ce procès, qui s'était ouvert le 31 août.
L'ambassadeur américain Donald Wright a salué vendredi sur Twitter le classement de l'affaire comme "une occasion bienvenue pour la Tanzanie de tourner la page et de se concentrer sur l'avenir".
Chadema n'a eu de cesse de dénoncer un procès "politique", qui reflétait selon lui une dérive du pouvoir vers la "dictature", accusant la présidente Hassan de renouer avec les pratiques de son prédécesseur après avoir affiché sa volonté de rompre avec certaines de ses politiques.
Peu après sa prise de fonctions, elle avait en effet tendu la main à l'opposition et autorisé la réouverture de médias interdits sous Magufuli, faisant le voeu de défendre la démocratie et les libertés fondamentales.
Dans une interview à la BBC en août, Samia Suluhu Hassan avait affirmé que les accusations contre Freeman Mbowe n'étaient "pas politiques" et résultaient d'une enquête de près d'un an.
La cheffe de l'Etat tanzanien avait renouvelé le mois dernier les signaux d'ouverture envers l'opposition, levant l'interdiction de quatre journaux imposée sous le précédent président John Magufuli, dont un détenu par Freeman Mbowe.
Avant le sommet UE-Afrique à Bruxelles, elle avait également rencontré le vice-président de Chadema, Tundu Lissu, candidat du parti à l'élection présidentielle de 2020 qui vit en exil en Belgique depuis une tentative d'assassinat en 2017.
S.Rocha--TFWP