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Les forces de sécurité ont tiré jeudi des grenades lacrymogènes sur des milliers de manifestants sortis en "hommage aux martyrs" au Soudan où la liste des victimes de la répression s'allonge depuis que les militaires ont renforcé leur pouvoir avec un putsch.
"Les militaires à la caserne!", ont scandé les protestataires dans différents quartiers de la capitale Khartoum alors que 72 manifestants ont été tués, pour beaucoup par balles, depuis le coup d'Etat du 25 octobre, selon des médecins pro-démocratie.
La police, elle, assure qu'un de ses généraux a été poignardé à mort par des manifestants.
Et la mobilisation ne se cantonne pas à Khartoum. A Madani, par exemple, à 200 kilomètres plus au sud, environ 2.000 manifestants défilent, a rapporté à l'AFP un témoin, Adel Ahmed.
Parmi les Soudanais qui manifestaient, des dizaines ont convergé vers la représentation de l'ONU à Khartoum avec des pancartes "Non aux solutions venues de l'étranger", en réponse à l'initiative de dialogue des Nations unies que la rue rejette en bloc, réclamant avant toute chose la remise du pouvoir aux civils.
En 2019, lorsque la rue forçait l'armée à démettre l'un des siens, le dictateur Omar el-Béchir, civils et généraux s'engageaient à mener ensemble le pays vers ses premières élections libres depuis 30 ans.
- Envoyés américains -
Mais le 25 octobre dernier, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, a coupé court à ce partenariat.
Il a fait arrêter la plupart des civils qui partageaient le pouvoir avec lui et les a remplacés par des militaires ou des civils sans passé militant.
Il a même formé mercredi soir un gouvernement "chargé des affaires courantes" avec des hauts fonctionnaires peu connus dont certains tout juste nommés après les purges post-putsch.
Outre l'ONU, l'envoyé spécial des Etats-Unis pour la Corne de l'Afrique David Satterfield et la secrétaire d'Etat adjointe Molly Phee tentent aussi d'appeler au dialogue au Soudan, un pays de 45 millions d'habitants, l'un des plus grands d'Afrique.
Jeudi à Khartoum, ils ont rencontré le général Burhane et plaidé ensemble pour "un dialogue national exhaustif" et un "gouvernement de gens compétents dirigé par un civil".
Les deux Américains ont aussi rencontré Khalid Omer Yousif, ancien porte-parole du gouvernement arrêté et limogé le jour du putsch.
Ce fervent défenseur d'un pouvoir civil a indiqué sur Twitter leur avoir dit qu'il n'y avait "pas d'autre issue" que de satisfaire la rue en mettant "fin à l'état de fait putschiste".
Les envoyés de Washington ont répondu qu'ils ne "reprendront pas l'aide au Soudan sans la fin de la violence et le retour à un pouvoir dirigé par des civils comme le veulent les Soudanais", indique l'ambassade américaine à Khartoum.
Peu après le putsch, Washington avait suspendu 700 millions de dollars d'aide au Soudan.
- Enfants tués ou détenus -
Surtout, les manifestants réclament aujourd'hui justice pour les familles des 72 manifestants tués, pour beaucoup par balles, depuis le 25 octobre.
Parmi ces morts figurent neuf enfants, souligne l'Unicef qui ajoute que "des garçons et des filles de 12 ans à peine sont détenus" dans un pays où les forces de sécurité arrêtent les passants par dizaines les jours de mobilisation.
La mort de sept manifestants lundi avait ainsi provoqué l'indignation dans le pays, et la société civile avait appelé à deux jours de grève générale. Un mouvement suivi à Khartoum, où des barricades continuent de hérisser les rues.
Mercredi soir, les joueurs de l'équipe nationale de football ont posé le genou à terre pour une prière aux morts avant le coup d'envoi de leur dernier match en Coupe d'Afrique des nations au Cameroun.
Alors que l'impasse politique est totale dans le pays, le Darfour, dans l'ouest, est toujours secoué par des violences, ont voulu rappeler des centaines d'autres manifestants.
Ces déplacés de guerre ont défilé dans un camp proche d'al-Facher, le chef-lieu de la province dont s'est retirée en 2021 la mission de paix conjointe de l'ONU et de l'Union africaine (Minuad), après la mort de cinq personnes dans l'attaque d'un groupe armé.
"Depuis que la Minuad est partie, personne ne protège notre camp", se désole Mohammed Adam, un des responsables du camp joint par l'AFP par téléphone.
W.Matthews--TFWP