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Depuis qu'Adam Dailey a commencé à naviguer sur le lac Mead voici quinze ans, la berge a reculé de plusieurs centaines de mètres sous l'effet de la sécheresse chronique qui frappe l'ouest des Etats-Unis.
Les points de mise à l'eau qui recouvraient les rives de ce lac proche de Las Vegas ont été abandonnés un par un, faute d'atteindre la surface, et seule une rampe est désormais praticable pour les plaisanciers qui souhaitent mettre leur embarcation à l'eau.
"Maintenant tout le monde se bat pour utiliser une rampe unique et voir comment on peut s'en sortir avec ça", explique Adam Dailey à l'AFP.
"C'est assez triste ce qui est en train de se passer. Mais on vient quand même pour essayer d'en profiter tant qu'on peut."
Le lac Mead, créé artificiellement par la construction cyclopéenne du barrage Hoover dans les années 1930, est sur le papier la plus grande retenue d'eau des Etats-Unis. Mais il n'a plus atteint sa pleine capacité depuis 1983.
Cela n'empêche pas le lac de 640 km2 de fournir de l'eau à des dizaines de millions de personnes et à un nombre incalculable d'exploitations agricoles dans tout le sud-ouest du pays.
Mais ses réserves diminuent à un rythme terrifiant et le réservoir n'est à présent qu'à 25% de ses capacités.
L'agence des parcs nationaux, qui gère l'accès des touristes au lac Mead, a dépensé plus de 40 millions de dollars depuis 2010 pour permettre aux plaisanciers de continuer à y naviguer.
Chaque fois que le niveau du lac baisse de 120 cm, il en coûte deux à trois millions supplémentaires pour adapter la rampe de mise à l'eau, un processus "de plus en plus difficile et cher".
"La baisse du niveau de l'eau due au changement climatique et 20 années de sécheresse continue ont remodelé les rivages du parc", résume l'agence sur son site internet.
- Strates -
Pour illustrer le phénomène, l'agence des parcs nationaux place depuis 2001 des panneaux indiquant l'emplacement de la berge du lac à différents moments. A la fin juin, l'eau est déjà située environ 300 pas en dessous du panneau marquant le niveau de 2021.
Les strates concentriques laissées par l'eau sur les rives escarpées illustrent de manière frappante l'ampleur de la sécheresse qui sévit depuis les inondations de 1983.
"Avant on faisait la course en ski nautique ici", assure à l'AFP Jaxkxon Zacher. "Et cette île là-bas, il n'y avait que la pointe qui émergeait il y a 25 ans".
Plus l'eau baisse et plus les îles et autres écueils rocheux apparaissent, autant de dangers pour les bateaux. "Chaque jour il y a quelqu'un qui arrache son hélice parce que la semaine d'avant, il n'y avait pas de rocher mais à présent c'est trente ou soixante centimètres plus bas", lance Jason Davis, qui commercialise des bateaux sur le lac.
"Il y a des bateaux aménagés qui s'échouent, des gens qui éventrent leur coque".
Le prix de certaines embarcations atteint plusieurs centaines de milliers de dollars, une erreur de navigation peut donc coûter cher.
- Un nouveau boulot ? -
Certains ne supportent plus les aléas de la navigation sur le lac et les longues files d'attente pour mettre leur bateau à l'eau, et ont jeté leur dévolu sur des eaux plus accueillantes.
C'est le cas de certains cours d'eau situés en aval du barrage Hoover, comme à Willow Beach, dans l'Arizona voisin, où des kayakistes s'aspergent sous un soleil de plomb.
Là, une petite marina a permis à Steve McMasters d'amarrer son bateau. "Le week-end, le temps d'attente pour sortir votre bateau de l'eau (au lac Mead) peut atteindre quatre ou cinq heures", explique-t-il.
"J'ai passé quatre mois sur liste d'attente pour avoir ma place" à Willow Beach, "j'ai eu de la chance", ajoute le plaisancier.
Les climatologues expliquent qu'il y a déjà eu des sécheresses durant plus de vingt ans dans l'Ouest américain. Mais le phénomène, désormais combiné à la hausse des températures provoquées en grande partie par les activités humaines, est bel et bien en train de transformer la région.
Des températures plus élevées se traduisent par une diminution des précipitations, et la neige située en altitude a tendance à fondre plus tôt dans la saison et plus vite.
Le fleuve Colorado est par conséquent privé de l'approvisionnement stable et régulier en eau dont il a bénéficié durant des siècles.
A l'échelle climatique, le lac Mead n'est qu'un nouveau-né mais pour les humains, il disparaît à une vitesse alarmante.
Pour Jason Davis, le marchand de bateaux, il faudrait que beaucoup plus de gens viennent constater par eux-même l'étendue des dégâts.
"Tant que vous n'avez pas vu ça, vous ne pouvez pas en prendre la mesure. Vous n'y pensez pas avant qu'il soit trop tard", dit-il.
Et si le niveau du lac continue de baisser? "Il faudra que je trouve un autre boulot".
H.Carroll--TFWP