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À Bruxelles, on est loin d'envisager la baignade dans le canal qui traverse le nord de la ville: les égouts sont proches et l'eau très sombre.
Une association s'efforce de sensibiliser le public à cette pollution en organisant des collectes de déchets en kayak.
Ce jour-là, par un grand soleil, les bénévoles venus se mettre à l'eau dans les kayaks de l'association "City to Ocean" sont huit avocats d'affaires d'un même cabinet, hommes et femmes, réunis pour un après-midi de "team building".
Répartis en binômes -- l'un à l'avant de l'embarcation pour pagayer, l'autre une épuisette à bout de bras pour remplir la poubelle placée entre ses jambes--, ils vont réunir en 40 minutes près de 23 kg de détritus.
Il s'agit en majorité des canettes et bouteilles en plastique noircies par le temps, mais ont émergé aussi une chaussure de randonnée, un bac de rangement ou encore un soutien-gorge.
"On trouve de tout dans le canal", sourit Maïa De Ridder, animatrice de l'association qui a piloté la sortie.
Cette spécialiste de la gestion des eaux pluviales s'est chargée du point sécurité d'avant le départ, distribuant gilets de sauvetage et gants en caoutchouc.
Et au retour elle a pesé les collectes et organisé le tri des déchets qui n'iront pas tous dans la même poubelle.
En remettant le pied sur la terre ferme, les bénévoles du jour se disent heureux d'avoir pu apporter leur petite contribution à la lutte contre la pollution. Mais certains font la grimace.
"Je savais que le canal était très pollué, là j'ai réalisé à quel point c'était grave. Cette couleur et toutes ces petites choses qui flottent, c'est dégoûtant", témoigne l'avocat Grégory Komlosi.
- "Une goutte d'eau dans l'océan" -
Il salue la "belle initiative" de l'association, mais la compare à "une goutte d'eau dans l'océan". "Les gens ne sont pas assez conscients du problème et les politiques ne s'en préoccupent pas", déplore-t-il.
Un des objectifs de Pieter Elsen, qui a fondé City to Ocean, est justement de mettre ce sujet à l'agenda des politiques, et de pousser les industriels et les chaînes de supermarchés à réduire leur usage du plastique.
Ces collectes organisées en kayak permettent de "voir et sentir" la pollution, et de sensibiliser des citoyens qui seront ensuite autant d'"ambassadeurs des cours d'eau propres", s'enthousiasme l'ingénieur de 37 ans.
Outre l'épineuse question de la limitation des emballages, Pieter Elsen relève que le problème majeur à Bruxelles est celui des "déversoirs d'orage", sortes de soupapes de sécurité qui par fortes pluies vont se remplir et libérer dans le canal et la Senne (la rivière proche) le trop-plein des égouts.
"Avec des épisodes de pluies plus intenses à cause du réchauffement climatique, les égouts débordent dans les cours d'eau cinq à sept fois par mois actuellement", affirme-t-il, en précisant qu'à Bruxelles le réseau d'égouts est "unitaire", mélangeant eaux usées et pluviales.
Une situation bien connue à Paris, où dans l'optique des Jeux olympiques de lourds investissements ont été réalisés pour réduire fortement les déversements dans la Seine.
"À Paris, avec cette volonté d'organiser les compétitions de natation dans la Seine, il y avait une vraie raison d'investir pour avoir de l'eau plus propre", dit Pieter Elsen.
"Cette raison, on ne l'a pas à Bruxelles pour l'instant. Mais même si ça doit prendre des années, je suis persuadé qu'on peut y arriver".
P.Grant--TFWP