AEX
13.6800
Nichant sous les toitures ou dans les cavités pour se reproduire, les oiseaux dits cavernicoles, comme les martinets noirs, sont "particulièrement menacés" par la chaleur croissante au fil des années, leurs tanières pouvant se transformer en vrais saunas.
Son plumage est noir, sa silhouette s'apparente à celle d'une petite arbalète, ses pattes sont très courtes et ses griffes sont acérées pour pouvoir s'agripper fermement aux parois... Le martinet noir est le "grand blessé" du centre de soin pour animaux sauvages L'Hirondelle à Saint-Forgeux dans le Rhône.
"Au-delà des 34°C, la température ressentie sous les toits est de 10°C supplémentaires et peut monter jusqu'à 50°C... Comme un four, un vrai sauna", explique Adeline Audibert, 36 ans, bénévole depuis 2014 au "pôle martinet" de ce centre.
"Quand il fait trop chaud, les petits martinets suffoquent et cherchent la fraîcheur, donc ils se précipitent dans le vide ou tombent du nid", poursuit cette passionnée de l'apodidé, qui promet de s'en faire tatouer un dans le dos.
La population de cette espèce est "en déclin", voire "particulièrement menacée", alerte Adeline, qui a vu le centre récupérer entre 800 et 900 martinets par an et accueillir cette année 200 individus en plus par rapport à 2021.
Ce, à cause des vagues de chaleurs toujours plus fortes d'année en année, mais aussi à cause du manque de nourriture des martinets, les insectes se faisant de plus en plus rares "quand il fait très chaud ou très froid", ajoute la soignante.
- "Samu pour animaux"-
Présenté comme l'un des plus grands centres de soin de France en termes de nombre d'individus soignés (environ 7.000 prises en charge par an de 130 espèces différentes, dont 80% d'oiseaux et 20% de mammifères), L'Hirondelle récupère, soigne et relâche toute la faune sauvage blessée qu'on lui signale dans les départements du Rhône, de la Loire, de la Drôme et de l'Ardèche.
"Un vrai samu pour animaux", compare la chargée de développement de l'association, Anne Fourier, expliquant que les bénévoles peuvent se déplacer pour récupérer la faune sauvage blessée auprès des "découvreurs", personnes les ayant appelés pour sauver les bêtes mal en point.
La canicule de juin a été "très mortelle", "elle a battu des records en termes d'accueil", indique la bénévole de 37 ans, membre de l'association depuis 2013.
"Depuis le début de l'année, on a accueilli plus de 4.600 animaux, dont 1.600 rien qu'en juin", détaille cette grande passionnée, qui se remémore "l'enfer" que le centre avait vécu lors de la canicule de 2019. Il avait dû fermer ses portes, ayant atteint le maximum de ses capacités.
Également cavernicoles, l'hirondelle de fenêtre, le merle, le rougequeue noir, ou encore le moineau domestique sont aussi "fortement impactés" par la chaleur.
Après 90 hirondelles accueillies en 2021, 63 ont déjà été soignées mi-2022.
Pour les moineaux, 233 de janvier à juillet 2022 contre 181 à la même date en 2021 et 97 contre 56 concernant les rougequeue noirs.
"Quand on a un pic de températures, on multiplie par deux les arrivées d'animaux", indique Pascal Tavernier, le directeur du centre depuis sa création en 1998, les traits tirés.
Pourtant, les soigneurs s'attendaient à recevoir encore plus d'oiseaux, reconnaît l'homme de 45 ans. "Ça veut sûrement dire que les chaleurs sont tellement fortes qu'ils étaient déjà morts".
- "Plus sensibles" -
L'augmentation des prises en charge s'explique également par l'évolution des mentalités, assure M. Tavernier. "Les gens sont plus sensibles à la condition animale qu'avant".
Eva Lamourette, 24 ans, en est la preuve. Originaire de Valence, elle a appelé le centre mardi pour un jeune martinet noir.
"Il était par terre et ne bougeait pas, il devait être déshydraté", a estimé la découvreuse.
"J'aime les animaux et j'aurais eu très mauvaise conscience si je n'avais pas fait quelque chose, ce n'est pas possible de laisser agoniser un animal en plein cagnard", expose la jeune femme en reconversion professionnelle.
À cause de la chaleur, le centre reçoit quasiment 200 appels de découvreurs par jour, "une charge de travail et une logistique énorme", décrit Anne Fourier.
"À un moment donné, les espèces qui ne supportent pas la chaleur ne seront plus là", s'inquiète de son côté Pascal Tavernier.
T.Gilbert--TFWP