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Canal+ fête ses 40 ans et Michel Denisot, animateur phare, a vécu les 30 premières, voyant débarquer alors des inconnus, comme Omar Sy ou Louise Bourgoin, ces "bébés Canal+", aujourd'hui devenus "la moitié du cinéma français".
Il interroge les talents révélés par C+ dans son livre "Toute première fois" (Flammarion) et ouvre pour l'AFP sa boîte à souvenirs de la chaîne cryptée.
Q: Comment arrivez-vous à Canal+ ?
R: "C'est Pierre Lescure (un des responsables historique de C+, NDLR) qui m'appelle au printemps 1984. Je suis à l'époque à TF1. J'avais connu Pierre avant, à RMC. On avait des affinités et gardé un lien. Il a d'abord appelé Alain De Greef (autre futur pilier de la chaîne, NDLR), puis après moi. Je n'ai pas réfléchi. J'ai dit oui tout de suite. Je me souviens que le patron de TF1 à l'époque, Hervé Bourges, m'avait dit que je faisais +l'erreur de ma vie+".
Q: Pourquoi faire ce plongeon dans l'inconnu ?
R: "C'était la chaîne de ma génération. Pierre Lescure, on a le même âge, Charles Biétry (figure des sports de C+, NDLR) à peu près aussi. On approchait de la quarantaine, on se dit, +qu'est-ce qu'on fait ? On reste là où on est ou on tente un coup ?+. C'est une prise de risque qui était assez jubilatoire".
Q: Comment Canal+ est accueillie au début ?
R: "Il n'y avait que trois chaînes avant. Tout était réglé. C'était les politiques qui dirigeaient un peu la télévision. Maintenant, c'est l'argent. Donc, Canal est la première chaîne privée qui démarre, payante. On est condamnés dès le début par une grande partie de la presse: France-Soir titre +Canal+, c'est déjà l'échec+. Ils auraient pu avoir raison. J'ai démarré dans une matinale télé, la première française, ça s'appelait +Le 7/9+ et je commentais les matchs de foot le soir. Je n'ai jamais douté. Pourtant, au bout de six mois, Canal+ ne marchait pas. Et puis après, ça a décollé. C'est formidable de se retrouver avec une page blanche, sans études de marché. S'il y en avait eu, Canal+ n'aurait peut-être jamais existé".
Q: Comment Canal+ finit par être associé à un moment dans l'imaginaire collectif au Festival de Cannes ?
R: "Au début, je faisais l'émission +Zénith+, au bord de la piscine d'un hôtel, avec trois chaises, avec Coluche. La Croisette était déserte pendant le Festival à ce moment-là, on roulait en scooter sans casque. Ca a démarré comme ça: quand on fait Cannes, on vit dans un blockbuster pendant 15 jours. On est dans le même hôtel que les gens du cinéma, au même restaurant, on va boire un verre dans la même boîte de nuit, on prend le petit-déjeuner à côté. Le réalisateur Wim Wenders m'a dit +je vous croise tous les ans ici, dans l'ascenseur de l'hôtel à 2H00 du matin, c'est marrant+. Je l'ai invité dans l'émission. On m'a identifié".
Q: C'était quoi la recette pour réussir à Canal+ quand on débutait, inconnu, comme Omar Sy ?
R: "J'étais là au début, pendant 30 ans je les ai tous vu arriver. Il faut être un peu obsédé par son travail, de façon un peu démesurée, pour y arriver.
Tous ceux qui ont démarré avec moi, Marc-Olivier Fogiel, Jean-Luc Delarue, Yann Barthès, Christophe Dechavanne, faisaient au départ des séquences d'une minute. Ils arrivaient le matin à 8H30, ils repartaient le soir à 21H00. La minute qu'ils faisaient, ils la revoyaient, la retortillaient. Les filles qui faisaient la météo (comme Louise Bourgoin, NDLR), c'est pareil, elles bossaient énormément toute la journée.
Les bébés Canal+ de mon livre, maintenant c'est la moitié du cinéma français. Michel Hazanavicius a démarré à Canal en faisant des petits montages, des détournements d'images. Et plus tard il gagne des Oscars à Hollywood pour +The artist+".
Q: Que pensez-vous de Canal+ aujourd'hui ?
R: "J'y regarde la Formule 1. La production est formidable et il y a le talent des commentateurs, c'est vraiment génial. Je regarde aussi les films. Mais maintenant, Canal, c'est devenu surtout une plateforme. Nous c'était une chaîne. Ce n'est pas la même chose".
N.Patterson--TFWP