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La trêve hivernale débute vendredi: jusqu'au 31 mars, les locataires ne peuvent pas être expulsés de leur logement. Malgré ce dispositif, les expulsions ont atteint un niveau record l'an dernier, qui pourrait encore grimper.
D'où vient la trêve hivernale ?
"Mes amis au secours, une femme vient de mourir gelée cette nuit": la trêve hivernale est née après le célèbre appel en 1954 de l'Abbé Pierre -accusé aujourd'hui de violences sexuelles- qui a alerté le grand public sur le sort des plus démunis. Inscrite dans la loi en 1956, elle a été initialement fixée du 1er décembre au 15 mars avant d'être étendue. Depuis 2014, elle est prévue du 1er novembre au 31 mars.
Que prévoit-elle ?
Pendant cette période, la loi interdit d'expulser l'immense majorité des locataires de leur logement. En clair, même si un jugement d'expulsion a été prononcé, sa mise en oeuvre est suspendue.
Il existe quelques cas de figure dans lesquels la trêve ne s'applique pas: si le locataire dispose d'une solution de relogement adaptée à ses besoins ou si la personne vit dans un squat. A noter, une personne peut aussi être expulsée pendant cette période sur décision de justice en cas de violences conjugales ou sur un enfant.
Cette trêve concerne aussi l'électricité et le gaz: pendant cinq mois, les fournisseurs d'énergie ne peuvent pas interrompre leurs services.
Combien d'expulsions en France ?
Il y a eu 19.023 expulsions en présence des forces de l'ordre en France en 2023, selon un rapport de la Cour des comptes. Cela représente une hausse de 17% par rapport à l'année précédente.
"Il s'agit d'un chiffre record assez affolant, lié à la précarisation des ménages et à une politique publique très insuffisante", déplore auprès de l'AFP Marie Rothhahn, chargée de mission à la fondation Abbé Pierre, qui dénonce notamment le manque de logements sociaux.
Ce bond s'explique aussi par un effet de rattrapage par rapport à la période de crise sanitaire. En 2020, le nombre d'expulsions avait été divisé par deux par rapport à 2019, à 8.156. Des ménages ont ainsi pu se maintenir dans leur logement grâce aux mesures exceptionnelles du gouvernement (prolongation de la trêve, aides financières).
La fondation Abbé Pierre redoute d'ores et déjà une augmentation des expulsions en 2024 du fait de l'application de la nouvelle loi Kasbarian-Bergé qui permet d'accélérer les procédures.
Que peut faire un propriétaire ?
Pendant la trêve hivernale, un propriétaire peut entamer ou poursuivre une procédure d'expulsion, qui dure habituellement plusieurs mois. "Il n'y a que la dernière étape, celle de l'expulsion physique avec les forces de l'ordre qui n'est pas possible", rappelle auprès de l'AFP Cédric Kieffer, directeur juridique de la Chambre nationale des commissaires de justice.
Le bailleur doit d'abord envoyer un commandement de payer au locataire avant de l'assigner en justice.
"Beaucoup de personnes ne se présentent pas à l'audience, pourtant c'est essentiel car le juge peut accorder un échéancier", précise M. Kieffer.
En cas de résiliation du bail par le juge, la justice délivre un commandement de quitter les lieux. Un commissaire de justice est ensuite mandaté pour expulser les locataires. S'il échoue, il demande l'intervention des forces de l'ordre à la préfecture, qui peut l'accorder ou la refuser.
Que faire en cas d'impayé de loyer ?
En cas d'impayé de loyer, "surtout, il ne faut pas rester seul", recommande Marie Rothhahn de la fondation Abbé Pierre.
Il est conseillé de contacter son bailleur pour l'informer de ses difficultés ainsi qu'une assistante sociale.
Il est possible de se faire conseiller par les agences départementales pour l'information du logement (Adil) ou par une association. La fondation Abbé Pierre dispose notamment d'une ligne téléphonique spécialisée (0805.299.049).
"Un des premiers conseils que nous donnons, c'est de reprendre le paiement du loyer dans la mesure de ses capacités, car cela peut débloquer des aides et montre que le locataire fait des efforts", souligne Marie Rothhahn.
Il est par exemple possible de continuer à bénéficier des aides au logement ou de faire une demande auprès du Fonds de solidarité pour le logement.
M.Delgado--TFWP