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L'avionneur américain Boeing, plombé par des problèmes de production et par une grève majeure depuis mi-septembre, compte lever près de 19 milliards de dollars en Bourse pour renflouer sa trésorerie et faire face à ses obligations.
Sans donner de calendrier, le constructeur a annoncé lundi une émission de 90 millions de nouvelles actions — valorisées autour de 13,9 milliards de dollars au cours actuel — ainsi que 5 milliards de dollars de certificats de dépôt.
S'il s'agissait d'une introduction en Bourse, cette opération arriverait en quatrième position des plus grosses levées de fonds de l'histoire, derrière Saudi Aramco, Alibaba et Softbank.
En cas de sur-souscription, Boeing pourrait émettre 13,5 millions d'actions et 750 millions de dollars de certificats supplémentaires.
Le 15 octobre, Boeing avait son intention de doper sa trésorerie, dont un appel au marché pouvant atteindre 25 milliards de dollars sur trois ans.
"Nous avons l'intention d'utiliser le produit net de ces [offres] pour des dépenses générales de l'entreprise", explique le groupe dans le document déposé lundi auprès du gendarme américain de la Bourse (SEC).
Son objectif est également de conserver son statut d'emprunteur auprès des agences de notation. Il frôlait en effet la catégorie spéculative dans un contexte de mouvement social qui assèche sa trésorerie, toujours convalescente après les crashes de 2018 et 2019 (346 morts au total) et la pandémie.
Ce montant devrait lui permettre de conserver sa notation "jusqu'à fin 2025 dans les circonstances actuelles", a commenté Peter McNally, analyste de Third Bridge.
"Mais la situation reste complexe", selon lui, et, même avec une fin rapide de la grève, les livraisons ne devraient contribuer à la trésorerie qu'au second semestre 2025.
Plus de 33.000 ouvriers de la région de Seattle, berceau de l'avionneur dans le nord-ouest des États-Unis, ont débrayé le 13 septembre faute d'avoir obtenu satisfaction dans le nouvel accord social de quatre ans.
-Deux rejets-
A ce stade, ils ont rejeté deux offres de Boeing. La dernière, repoussée le 23 octobre, prévoyait notamment une hausse salariale de 35% — le syndicat réclame 40% — sur quatre ans et une contribution accrue au plan de retraite par capitalisation.
Mais elle ne rétablissait pas l'ancien système de retraite, supprimé en 2014, que beaucoup d'irréductibles exigent mais que Boeing refuse.
Les deux principales usines, qui fabriquent le 737 — son avion le plus vendu —, le 777, le 767 et plusieurs programmes militaires, sont à l'arrêt.
L'augmentation de capital "va permettre de franchir le ralentisseur" qu'est la grève, a expliqué à l'AFP Cai Von Rumohr, analyste de TD Cowen, s'attendant à des flux positifs de trésorerie au deuxième trimestre 2025.
"Avec la grève, il y a des pressions de court terme", a-t-il ajouté.
Seule la production du 787 Dreamliner, dans une usine sans représentation syndicale en Caroline du Sud, est assurée, mais à une cadence mensuelle de quatre avions, avec l'objectif de cinq d'ici fin 2024.
Boeing a d'ailleurs annoncé lundi matin, dans un communiqué distinct, une commande de dix Dreamliner par la compagnie chilienne Latam, représentant entre 2,5 et 3,4 milliards de dollars au prix catalogue suivant le modèle. Avec une option pour cinq supplémentaires.
De quoi donner un peu d'oxygène, mais environ 60% du prix est versé à la livraison.
Les livraisons, qui n'avaient pas retrouvé le niveau pré-pandémie à cause de pénuries d'approvisionnement et de recrutement, ont subi un coup de frein après un incident en vol en janvier sur un 737 MAX 9.
Le régulateur FAA a mis Boeing sous surveillance renforcée, exigeant une amélioration de la qualité de sa production qui a fortement ralenti les chaînes d'assemblage.
A fin septembre, il avait livré 291 avions contre 371 sur la même période de 2023. Du fait de la grève, les mois suivants devraient être très maigres.
Le groupe a dévoilé le 23 octobre sa pire perte trimestrielle en quatre ans, avec plus de 6 milliards de dollars entre juillet et septembre.
Selon un calcul de l'AFP, Boeing a subi plus de 31 milliards de dollars de pertes nettes entre début 2020 et fin septembre 2024.
D'après la dernière estimation du cabinet Anderson Economic Group (AEG), les six semaines de grève ont engendré 9,66 milliards de dollars de pertes directes, dont 5,55 milliards pour Boeing et 2,23 milliards pour ses fournisseurs.
Il s'agit de l'une des plus coûteuses depuis 2019, juste derrière celle ayant frappé les trois constructeurs automobiles historiques à l'automne 2023.
Le géant de l'aéronautique prévoit aussi une réduction de 10% de ses effectifs mondiaux (presque 171.000 employés fin 2023).
Vers 18H30 GMT, l'action Boeing reculait de 1,22%.
L.Coleman--TFWP