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Le ministre de l'Intérieur veut durcir les critères de la circulaire "Valls" qui permet chaque année aux préfectures de régulariser par le travail ou pour motif familial plus de 30.000 sans-papiers. Une "soupape" dont certains préfets vont devoir en partie se passer.
Des patrons qui peinent à recruter et veulent régulariser des employés afin d'éviter le turn-over, une école qui se mobilise pour une famille menacée d'expulsion pourtant bien intégrée dans le village, des étudiants qu'une université veut conserver: autant de cas que la circulaire dite Valls permet de résoudre.
"C'est une soupape pour les préfectures qui permet de régulariser le quotidien à bas-bruit et d'atteindre un équilibre en éclusant le stock des dossiers en attente, sans envoyer un signal visible", résume Serge Slama, professeur en droit public.
Méconnue du grand public, cette circulaire permet depuis 2012 à un étranger en situation irrégulière de demander une "admission exceptionnelle au séjour" (AES) pour motif familial, économique ou étudiant. A charge du préfet de l'accepter ou pas.
Quelques semaines après son arrivée place Beauvau, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui estime que "l'immigration massive n'est pas une chance pour la France", a annoncé sa réécriture.
Le nouveau document, qui devrait être présenté d'ici début décembre, prévoit de durcir les critères d'admission qui ont permis en 2023 à 34.724 personnes d'obtenir des papiers, selon les données du ministère de l'Intérieur.
Pour être admissible, un travailleur sans-papier doit vivre depuis au moins trois ans en France et justifier d'au moins deux ans de travail. Ils étaient 11.525 à en avoir bénéficié en 2023.
Le ministère de l'Intérieur souhaite notamment limiter ces régularisations aux seuls métiers en tension, dont la liste actualisée prévue par la précédente loi Darmanin, devrait être divulguée concomitamment à la nouvelle circulaire.
"Nous ne devons régulariser qu’au compte-goutte, sur la base de la réalité du travail et de vrais critères d'intégration", plaide Bruno Retailleau.
Pour le motif familial, qui concernait 22.167 régularisations l'année dernière, résider depuis 5 ans en France, et avoir un enfant scolarisé depuis au moins 3 ans ou vivre depuis 18 mois avec une personne en situation régulière peut permettre de sortir de la clandestinité.
Le ministère voudrait y ajouter des justificatifs de revenus, un logement adapté à la taille de la famille, ou encore un certain niveau de langue.
- Marge d'appréciation -
"L'admission exceptionnelle au séjour doit être mise au même niveau que celle pour regroupement familial" prévue dans la procédure classique plus exigeante, explique-t-on au ministère.
"Loin d'être parfaite et soumise à l'appréciation des préfets, la circulaire permet de dénouer certaines situations grâce à la souplesse de ses critères", souligne le professeur de droit public Serge Slama.
Certaines préfectures l'utilisent avec zèle quand d'autres y ont plus rarement recours, "tout dépend du préfet et des rapports de force dans les territoires", souligne Gérard Ré, secrétaire confédéral de la CGT.
A titre d'exemple, en 2023 les Alpes-Maritimes ont émis 658 titres de séjours grâce à la circulaire Valls (140 économique et 515 motif familial) contre 259 au total en Haute-Vienne, selon des données obtenues par l’AFP.
Cette marge "d'appréciation", le ministre de l'Intérieur souhaite la voir disparaître, rapporte un participant à la réunion du 8 octobre où les préfets des 21 départements les plus concernés par l'immigration ont été convoqués.
Dans les prochains jours, une circulaire de "pilotage" doit être envoyée aux préfets. "On leur a clairement dit de régulariser moins. Les chiffres d'expulsion seront aussi scrutés", témoigne cette même source auprès de l'AFP.
Face à ces injonctions, "sans attendre la réécriture des critères d'admission certains ont dores et déjà indiqué qu'ils ne régulariseraient plus", poursuit ce participant notant un "changement de braquet très fort" dans la politique migratoire.
T.Mason--TFWP