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Des milliers de soldats et de policiers ont été déployés mardi au Sri Lanka afin d'assurer le respect du couvre-feu, au lendemain de la démission du Premier ministre Mahinda Rajapaksa à la suite d'affrontements meurtriers entre ses partisans et des manifestants anti-gouvernementaux, dans l'île en proie à une crise économique historique.
Le pays de 22 millions d'habitants est confronté depuis plusieurs semaines à des manifestations appelant à la démission du gouvernement des Rajapaksa après des mois de pénuries de nourriture, carburant et médicaments marquant la plus grave crise économique depuis son indépendance en 1948.
L'armée a exfiltré tôt mardi l'ex-Premier ministre de sa résidence officielle à Colombo, pour le placer en sécurité après que des milliers de manifestants en ont forcé un des portails.
Une fois forcé le principal portail de la résidence "Temple Trees" de Mahinda Rajapaksa à Colombo, les manifestants ont tenté de prendre d'assaut la bâtisse principale de deux étages où le frère du Président Gotabaya Rajapaksa s'était retranché avec sa famille.
"Au moins 10 bombes incendiaires ont été lancées dans le complexe", a précisé le haut-responsable.
Des dizaines d'habitations appartenant à des partisans des Rajapaksa ont été incendiées ailleurs dans le pays, où l'état d'urgence et un couvre-feu sont en vigueur.
Toujours selon le haut-responsable, la police a opposé un mur de gaz lacrymogènes et tiré des coups de semonce en l'air pour empêcher la foule de passer les trois entrées du complexe datant de l'ère coloniale, symbole-clé du pouvoir de l'État.
- Mahinda en lieu sûr -
Les manifestants et les chefs religieux sri-lankais ont reproché à Mahinda Rajapaksa d'avoir incité les partisans du clan familial à déclencher les affrontements de lundi qui ont fait cinq morts et près de 200 blessés, soit la plus meurtrière journée, depuis la répression d'une manifestation antigouvernementale le 19 avril dans le centre du pays (un mort, 24 blessés).
L'ex-Premier ministre, qui a donné sa démission à la suite de ces violences, se trouve à présent en sécurité dans un lieu qui n'a pas été divulgué.
Lundi, à Nittambuwa, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale, un député du parti au pouvoir, Amarakeerthi Athukorala, s'est suicidé après avoir ouvert le feu sur deux manifestants anti-gouvernementaux qui bloquaient sa voiture.
Une des deux victimes, âgée de 27 ans a depuis succombé à ses blessures, et le garde du corps du député a été retrouvé mort.
Deux autres personnes ont été tuées dans la ville de Weeraketiya (sud), par un membre du parti au pouvoir en tirant sur les manifestants.
Les médecins du principal hôpital national de Colombo ont accueilli l'afflux de blessés, y compris des partisans du gouvernement aidés à accéder aux urgences par l'armée qui a forcé un barrage de manifestants à l'entrée.
- Gotabaya toujours aux commandes -
"Ce sont peut-être des meurtriers, mais pour nous, ce sont des patients qui doivent être traités en premier", a crié un médecin à une foule qui bloquait le service des urgences.
Le président Gotabaya Rajapaksa reste en fonction, jouissant de pouvoirs étendus et du commandement des forces de sécurité.
Même avec un gouvernement de coalition, le président pourra nommer et destituer les ministres ainsi que les juges, et bénéficiera de l'immunité.
"Si le président Rajapaksa ne se retire pas, personne, que ce soit les foules dans les rues ou les principaux acteurs politiques, ne sera apaisé", a déclaré à l'AFP l'analyste Michael Kugelman du groupe de réflexion américain Wilson Center.
Pour Akhil Bery de l'Asia Society Policy Institute, il est difficile d'anticiper la conduite du président Rajapaksa devant la contestation.
Il pourrait soit démissionner, soit nommer un gouvernement intérimaire et ensuite démissionner, ou bien réprimer les manifestations, ou attendre qu'elles "se calment naturellement", a estimé M. Bery auprès de l'AFP.
Mais quoi qu'il arrive, le prochain gouvernement devra prendre des "décisions impopulaires" pour redresser l'économie en ruine, a-t-il ajouté.
Tout renflouement par le Fonds monétaire international (FMI), actuellement en négociation, signifierait "une augmentation des impôts et une diminution des dépenses publiques, ce qui est une combinaison politiquement toxique".
C.Dean--TFWP