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Par-dessus les toits et les flots de la Méditerranée, un message lumineux codé de Pone, figure du hip-hop français, s'élève du phare du Musée des civilisations d'Europe et de la Méditerranée à Marseille, brisant les entraves de la maladie de Charcot.
Depuis mi-janvier et jusqu'en juillet, c'est à l'aube, une heure avant le lever du soleil, et au crépuscule, durant une heure après le coucher du soleil, que surgit par intermittence ce rai de lumière depuis la tour du Fanal, construite en 1644 à l'entrée du Vieux-Port et aujourd'hui partie du Mucem, ce musée de société pour qui l'art peut soutenir face à la maladie.
Conçu par le duo d'artistes franco-luxembourgeois Brognon-Rollin, ce faisceau lumineux relaie un message de Pone, co-fondateur d'un groupe phare du hip-hop en France dans les années 1990, la Fonky Family, qui a appris en 2015 qu'il était atteint de la maladie de Charcot, aussi appelée "sclérose latérale amyotrophique".
Cette maladie incurable, qui touche environ 8.000 patients en France, se traduit par une paralysie progressive des muscles, affectant aussi l'élocution et la déglutition.
Elle a privé Pone de sa motricité et de sa voix mais grâce à un logiciel qui lit le mouvement de ses pupilles sur un clavier, il réussit à écrire avec ses yeux.
En conversation avec lui, David Brognon et Stéphanie Rollin ont capté et archivé le mouvement de ses pupilles quand il a lancé: "Je pense dire un truc bateau, mais tellement vrai me concernant: tout est possible".
Et le parcours de cet homme né à Toulouse il y a une cinquantaine d'années mais pour qui Marseille est une ville "de coeur et d'âme", illustre cette phrase, malgré cette maladie "au pronostic sombre, dont l'issue est fatale après trois à cinq ans d'évolution en moyenne", selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
- "Toujours croire" -
"Malgré le pronostic et le diagnostic, toujours croire que tout est possible", a insisté Pone lors de l'inauguration de cette installation à Marseille.
Intervenant en visio, depuis le lit où il est cloué à son domicile de Gaillac (Tarn), par l'intermédiaire de cette voix d'ordinateur qui transcrit les mots qu'il forme à l'aide de ses pupilles, il a fait se dessiner des sourires émus sur tous les visages des spectateurs réunis au Mucem.
"Cruellement empêché" par cette maladie, comme l'a rappelé l'artiste David Brognon, Pone continue de créer, d'inspirer, d'être un "éclaireur", d'où le titre de l'installation à Marseille, "Le Phare".
Avec le soutien du personnel médical qui le suit à domicile, de sa femme Wahiba et de ses filles, Pone produit des musiciens, crée, comme cet album solo "Kate and Me", composé, réalisé et mixé en 2019 uniquement avec les yeux et inspiré par l'auteure compositrice interprète britannique Kate Bush. Cette idole de Pone a écrit la préface de son autobiographie, "Un peu plus loin", publiée l'an dernier aux éditions JC Lattès.
"La maladie, c'est très compliqué tous les jours, ce n'est pas le monde des Bisounours, mais comme on dit souvent avec Pone, parfois on remercie la maladie parce qu'elle nous fait vivre ces moments forts", a confié Wahiba Gallart en rappelant leur combat, via leur association Trakadom, pour permettre aux patients atteints de maladies chroniques, où qu'ils soient en France, de rester à domicile et bénéficier des aides adéquates.
Pour Martine Perez, qui a accompagné jusqu'au bout son mari Germinal, emporté par la maladie de Charcot, "ce message de Pone est formidable" pour sensibiliser et encourager face à cette "terrible maladie qui atteint des gens de tout âge".
Ce rayon lumineux au-dessus de la jetée de Marseille invite aussi, comme le souligne une des commissaires du Mucem, Justine Bohbote, "à ne pas envisager les personnes atteintes de maladies chroniques uniquement comme des malades", mais à voir toute la poésie, la créativité et la beauté qu'elles peuvent exprimer.
T.M.Dan--TFWP