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Cocktails, coussins et cadres dorés: ces chambres luxueuses, dans un hôtel situé face à un centre d'hébergement pour sans-abris au Cap, sont destinées à des chiens confiés à un personnel aux petits soins, pendant les vacances de leurs maîtres.
En Afrique du Sud, l'un des pays les plus inégalitaires au monde, où la pauvreté a encore été aggravée par la pandémie de Covid-19, les chiens ne sont pas forcément au bas de l'échelle.
Chez SuperWoof, trois teckels paressent sur un grand lit, un croisé aboie sans relâche et un schnauzer nain tend une oreille à la musique de Bob Marley qui flotte dans les lieux.
Le nom de chaque chien est inscrit sur des étagères où sont soigneusement empilées leurs laisses et autres petites affaires.
Si plus tard les animaux ont envie de profiter du coucher de soleil, ils pourront en même temps siroter une bouteille de ChamPaws, cocktail à base d'eau, pétales de rose et rooibos, une infusion de feuilles de buisson rouge, populaire en Afrique du Sud.
Et ce n'est pas le seul établissement de ce type. A une dizaine de minutes de là, dans le quartier prisé de Bo-Kaap, aux maisons colorées de cartes postales, AtFrits joue les concurrents.
Courtière en immobilier, Tilana Kruger, 35 ans, vient y déposer son Beagle. Elle décrit l'endroit, situé entre bars branchés, galeries d'art et autres bars à sushis, comme "un second foyer" pour son chien: "Il n'en peut plus d'attendre, il saute littéralement de la voiture" pour y aller.
- "Suite présidentielle" -
Mais même au royaume des chiens, des disparités existent. Dans la section économique, les animaux sont gardés dans un espace commun où ils se prélassent sur des canapés devant Animal Planet, chaîne de télévision spécialisée.
L'élite canine peut elle réserver une "suite présidentielle" privée: lustres baroques, papiers peints exquis, portraits sur les murs.
L'une d'entre elles a été baptisée "K9 Nkandla", en référence à la luxueuse demeure de l'ex-président Jacob Zuma, rénovée à coups de millions de dollars avec de l'argent public.
La suite plus chère coûte 535 rands, soit une trentaine d'euros, par jour. A titre de comparaison, le seuil de pauvreté dans le pays est fixé à 890 rands par mois (50 euros).
Cette débauche de luxe pour des animaux, dans un pays où les chiens - largement utilisés par la police de l'apartheid lors de manifestations - restent un sujet clivant, est parfois critiquée.
La propriétaire d'AtFrits, Yanic Klue, rétorque: "J'ai 37 employés à qui je donne un revenu". Elle reverse par ailleurs 10% de ses recettes en faveur des chiens errants, notamment pour leur stérilisation.
Elle dirige également un projet social pour apprendre aux femmes des townships à coudre des vêtements pour chiens, vendus à la boutique de l'hôtel.
"Si quelqu'un peut se permettre de faire garder son chien dans ces conditions, ça le regarde", lâche Hassan Khan, employé au centre pour sans-abris.
Et pour les chiens qui souffrent d'anxiété d'être séparés de leurs maîtres, ces hôtels proposent toute une gamme de thérapies, soins par cristaux et reiki, méthode de soins japonaise.
Les chiens aussi "ont des chakras et ils ont aussi des blocages", assure Mme Klue. Et pour calmer l'anxiété des propriétaires qui confient leur animal, des caméras installées dans les chambres leur permettent de garder un oeil sur eux à distance, sur "Petflix".
P.Navarro--TFWP