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Après une fusillade dans une école privée du Tennessee, des électeurs et élus démocrates ainsi que des mères républicaines ont réclamé des lois pour restreindre l'accès aux armes à feu. Mais l'assemblée de l'Etat a bloqué toute avancée, leur retirant le peu d'espoir qu'il leur restait.
"Nous sommes devenues des électrices concentrées sur un seul enjeu", constate Melissa Alexander, fer de lance avec Mary Joyce des "Covenant moms", des mères d'élèves de la Covenant School où une jeune femme a tué trois enfants et trois adultes en mars 2023.
Depuis, les deux femmes issues de familles conservatrices, très peu politisées avant la fusillade, sont déterminées à continuer à réclamer "des lois compatibles avec le deuxième amendement" de la Constitution américaine, sur le droit de posséder une arme.
Même si s'exprimer publiquement sur ce "sujet polarisant" est "effrayant", souligne Melissa Alexander. Cette agente immobilière industrielle est elle-même propriétaire d'une arme et fière des talents de chasseur de son fils.
"Je ne veux pas me faire tirer dessus", ajoute Mary Joyce.
Entre entêtement à droite et résignation à gauche, ce sujet n'a quasiment pas été abordée dans la campagne pour la présidentielle américaine, qui aura lieu mardi.
Le Tennessee a l'un des taux de décès par balle les plus élevés du pays, et c'est la principale cause de décès chez les mineurs.
C'est aussi l'un des Etats les plus permissifs.
Il suffit d'avoir 18 ans pour acheter un fusil d'assaut (21 ans pour l'alcool), les contrôles sont limités ou inexistants et aucun texte n'autorise à retirer temporairement leurs armes à des individus dangereux. Une mesure à laquelle 76% des habitants sont favorables, démocrates et républicains confondus, selon l'université Vanderbilt.
- "Irresponsable" -
"Je pensais que (Covenant) marquerait un tournant", se souvient Justin Pearson, député démocrate local.
"J'avais déjà perdu confiance au niveau national, quand le pays n'a rien fait après la fusillade de Sandy Hook", reconnaît-il, évoquant le massacre de 20 enfants et six adultes dans une école primaire en 2012.
"Mais cette fois c'était tellement proche, et dans un établissement privé et chrétien... J'avais un minimum d'espoir que (la majorité républicaine) agirait différemment".
Pearson et un autre élu afro-américain ont été exclu du Parlement local peu après la tragédie pour avoir manifesté dans l'enceinte de l'institution, une sanction extrêmement rare. Une troisième élue démocrate, blanche, qui protestait avec eux, avait été épargnée.
Les deux députés ont été rapidement réélus. Mais de houleuses sessions législatives exceptionnelles de 2023 et 2024 n'ont débouché que sur des lois mineures, qui ne restreignent pas la circulation des fusils d'assaut ni même des pistolets.
Au contraire : les enseignants peuvent désormais porter une arme.
"Nous avons tout fait pour l'empêcher", raconte Melissa Alexander. Elle évoque des conférences de presse et des rendez-vous avec les élus, jusqu'au gouverneur du Tennessee.
"On nous a dit que ça pourrait être pire... et que si jamais la loi était débattue de nouveau, le port d'armes pourrait devenir obligatoire", se désole Mary Joyce.
- "Jeter l'éponge" -
Sa fille, qui a perdu une partie de son audition pendant l'attaque, doit sa survie à l'enseignante qui a gardé les enfants silencieux dans la classe.
"L'idée que les instituteurs devraient faire face à un assaillant armé d'une mitrailleuse avec un pistolet, c'est ridicule, dangereux, irresponsable... et presque risible", assène-t-elle.
Seule consolation: "Aucun district scolaire n'a appliqué la mesure" pour l'instant.
Dans le Tennessee comme dans d'autres Etats américains, le parti républicain a acquis une "super majorité" grâce au soutien financier de la NRA, le lobby pro-armes américain, et au "charcutage" des cartes électorales, explique Carrie Russell, professeure de sciences politiques à l'université Vanderbilt.
"Une fois qu'ils sont en place, ils divisent pour mieux régner. Les électeurs ne peuvent quasiment rien faire pour les déloger", analyse-t-elle.
L'AFP a contacté une douzaine de députés républicains locaux, sans réponse.
"J'ai l'impression d'être condamnée, ça fait deux ans que je suis prête à jeter l'éponge", confie Clemmie Greenlee, fondatrice de l'association Nashville Peacemakers.
Depuis que son fils adulte a été tué en 2003, elle milite sans relâche et soutient des dizaines d'autres familles ayant perdu un proche.
Clemmie Greenlee n'a pas non plus d'espoir en la présidentielle. "Je n'attends rien ni de Kamala (Harris), ni de Donald (Trump)", lance-t-elle. "La violence par armes à feu, ils n'en parlent même pas".
F.Garcia--TFWP